Voté par l’Assemblée nationale, le projet de loi « Pour un État au service d’une société de confiance », avec le fameux « droit à l’erreur », comporte désormais une « garantie fiscale » suite à un amendement voté par les députés. Concrètement, les points examinés lors d'un contrôle deviennent opposables en cas de contrôle ultérieur dans la mesure où la situation de l'entreprise est identique.
Pour la DGFiP, la garantie fiscale n’est pas une inconnue. En 2008 (1), le rapport « Fouquet » préconisait déjà, entre autres, une telle mesure. L’expérimentation qui avait alors été menée dans certains services de contrôle avait été contestée, notamment par notre organisation, au motif que, compte tenu de l’insuffisance de moyens (en effectifs, en « temps » etc), une telle disposition revenait à « blanchir » des points non vérifiés mais susceptible d’être irréguliers. Son bilan, dressé par la DGFiP en 2011, s’était d’ailleurs avéré décevant par les pouvoirs publics eux-mêmes...
Malgré tout, et malgré un contexte qui devrait placer la fraude fiscale au cœur des enjeux, les pourfendeurs du contrôle fiscal, également ardents défenseurs de la compétitivité et du « lever le pied » pour tout ce qui touche au contrôle fiscal, se sont montrés constants dans l’effort et offensifs. Et ont fait voté cette disposition. Outre les mesures concernant de réelles contraintes sur les délais d’intervention sur place et son articulation avec d’autres services de contrôle comme les Urssaf ou encore la réduction des intérêts de retard dans certains cas, le « droit à l’erreur » comporte donc désormais une « garantie fiscale » qui aura très probablement des conséquences sur l’organisation et la stratégie de contrôle.
Lors de la discussion au Sénat, les sénateurs se sont montrés enthousiastes sur l’amendement des députés. Et se montrent encore plus « volontaristes »… Le rapporteur du projet de loi au Sénat s’exprimait ainsi (2) : « (la) garantie fiscale ne provient pas du Gouvernement mais des députés Elle vise à inscrire dans la loi que tout point examiné lors d'un contrôle fiscal et n'ayant pas fait l'objet d'un redressement serait considéré comme tacitement validé par l'administration. C'est un changement complet de paradigme : en effet, aujourd'hui, le fait qu'un point n'ait pas été remis en cause par un vérificateur ne garantit en rien qu'il sera préservé si un autre contrôle devait être engagé sur les mêmes exercices. Avec la « garantie fiscale », les entreprises bénéficieront d'une sécurité juridique inédite : je vous encourage donc à adopter cet article sans modification. Je vous proposerai d'ailleurs de le compléter par un article additionnel prévoyant qu'à l'issue d'un contrôle, le courrier adressé au contribuable mentionne non seulement les points faisant l'objet de rectifications, mais aussi les points que l'administration a expressément validés. En effet, pourquoi l'appréciation portée par l'administration sur un contribuable devrait-elle se limiter aux montants redressés et aux pénalités infligées ? ».
On imagine sans peine les conséquences concrètes pour les agents en charge du contrôle fiscal d’une telle approche qui, manifestement, tient avant tout à en réduire la capacité d’action. Compte tenu des moyens actuels, à moins de l'alourdir, c’est la vérification générale qui pourrait faire les frais de cette disposition qui ajoutera à la pression et aux contraintes que subissent les vérificateurs. Pour ne pas « blanchir » les points non vérifiés, faudra-t-il désormais privilégier des contrôles ciblés ? Mais alors, quels seront les critères, les objectifs et les modalités d’une telle évolution ? Avec ce type de disposition, maintenir la vérification générale comme outil privilégié de contrôle, supposerait alors de renforcer - enfin ! - les moyens et de revoir le « management » afin de desserrer les contraintes pesant sur les agents. Mais dans le contexte, il y a tout lieu de craindre que les pouvoirs publics ne s’engageront pas dans cette voie. Au risque évident d’affaiblir le contrôle fiscal et donc la lutte contre la fraude fiscale...
(1) Voir le rapport Fouquet, Améliorer la sécurité juridique des relations entre l'administration fiscale et les contribuables : une nouvelle approche, juin 2008.
(2) Voir le compte rendu de la séance du 21 février 2018 au Sénat