Ce groupe de travail, annoncé au lendemain du drame de Bullecourt lors de l’audience accordée par Gabriel Attal aux organisations syndicales le 23 novembre, a pour vocation d’améliorer le dispositif de protection mis en place pour les agents et les agentes du contrôle fiscal.

Liminaire

Nous sommes aujourd’hui réunis en GT intitulé « Agents en charge d’une mission de contrôle fiscal ».
Ce groupe de travail annoncé au lendemain du drame de Bullecourt lors de l’audience accordée par Gabriel Attal, Ministre de l’action et des Comptes Publics, aux organisations syndicales, a pour vocation d’améliorer le dispositif de protection mis en place pour les agents et les agentes du contrôle fiscal.
Malgré une émotion toujours aussi vive et palpable, Solidaires Finances Publiques tient en propos liminaires à préciser des éléments de contexte et souhaite que le sujet de la sécurité des agents et des agentes soit abordé dans son entièreté et de la manière la plus exhaustive possible.

Le drame de Bullecourt pose la question de la sécurité et de la protection des agents et des agentes en charge de la mission contrôle fiscal. Les conditions particulières d’exercice de cette mission ne doivent pour autant pas occulter que ces questions concernent l’ensemble des agents de la DGFiP, et plus particulièrement les agents nomades (huissiers, géomètres…), les agents d’accueil et les agents du contrôle fiscal.
Si ce GT doit répondre de manière immédiate et concrète à ce drame inacceptable et intolérable, il se doit aussi de répondre aux besoins de tous les agents. De multiples témoignages d’agents font état de tensions, d’incivilités, de menaces et démontrent, si besoin était, à quel point la question de la sécurité et de la protection est prégnante dans leur quotidien. Sans vouloir céder à la psychose ni verser dans un discours « tout sécuritaire », ni remettre en cause le nécessaire exercice de toutes les missions, Solidaires Finances Publiques exige que soit prise avec sérieux et détermination la question de la protection des agents, sous tous ses aspects et à commencer par le volet de la prévention.

Cependant, le préambule à toute forme d’actions ou mesures est de revenir à une communication saine et normale, basée sur le droit au respect et à la considération des agents de la DGFiP, fonctionnaires d’État en charge d’une mission d’intérêt général et de service public.
Lors de l’audience du 23 novembre dernier, notre syndicat a rappelé l’importance de la parole politique. Depuis de trop nombreuses années, les fonctionnaires, notamment ceux de « Bercy », sont constamment décriés et font l’objet de multiples attaques : « trop chers, privilégiés, trop nombreux, ... ». Ce discours anti-fonctionnaire banalisé, parfois même alimenté par des responsables politiques et repris en boucle sur l’ensemble des médias et des réseaux sociaux n’est pas sans influence sur l’opinion publique en général et les usagers en particulier. A ce discours, vient s’ajouter le dogme anti-impôts exprimé parfois comme un ras-le-bol fiscal.

Notre syndicat n’a eu de cesse d’alerter sur la situation dégradée des services et des missions, dans toutes les instances tant nationales que locales….ainsi en juin 2012 lors d’un GT national intitulé « Sécurité et protection des Agents » réuni à la suite de l’assassinat d’un autre de nos collègues, nous tenions à la virgule près les mêmes propos.
Mais force est de constater que l’émotion passée, et malgré les mesures alors mises en place (notamment la circulaire de juillet 2013 sur la protection des agents en charge de la mission contrôle fiscal), la question de la protection et de la sécurité des agents est de nouveau sortie des radars, supplantée par des questions d’organisation, de suppressions d’emplois, d’objectifs et autres indicateurs….

Alors oui….aujourd’hui nous sommes à nouveau frappés dans notre chair et notre colère est incommensurable !
Il aura fallu un drame pour qu’une plainte soit déposée contre un site nauséabond et haineux...Depuis des années, notre syndicat dénonce l’existence de ce site et exige que nos collègues vérificateurs et vérificatrices nommément désignés et discriminés bénéficient de la protection fonctionnelle. Et sur ce dossier comme sur d’autres, nous nous heurtons à une minimisation systématique, à des lenteurs et autres tergiversations.
Le temps passe et le sentiment d’impunité s’installe et gangrène nos relations à l’usager-contribuable.

Ainsi en est-il lorsqu’un président de la République s’autorise en octobre 2019 à tenir des propos déplacés lors d’une allocution devant un parterre d’entrepreneurs :
« ... quand quelqu’un arrive et pour la première fois vous met la douille, vous dit je vous mets tout de suite les pénalités plein-pot, vous pourrez lui dire, «j’ai vu le président de la République, il nous a dit qu’il y a le droit à l’erreur ! S’ils ne sont pas au courant vous m’écrivez ! Et ce sera corrigé ! ».
De tels propos ne sont pas sans conséquences et contribuent à ternir l’image de l’Administration fiscale, et de ses fonctionnaires en général. Ils contribuent par ailleurs, à délégitimer les agents et les agentes en charge de la mission contrôle fiscal.
Aujourd’hui les agents et les agentes de la DGFiP se les remémorent douloureusement et notent avec colère l’absence d’une parole présidentielle officielle venant condamner sans réserve des actes ignobles perpétrés sur des agents de l’État. Ce silence est d’autant plus lourd qu’il est inhabituel.
Il est tout aussi regrettable que notre courrier adressé à la Direction Générale en 2019 soit demeuré sans réponse.
De la même manière, il est regrettable que le ministre en charge des comptes publics n’ait pas saisi la nature de notre demande le 23 novembre dernier.
Les propos d’un ministre, si justes et bienvenus soient-ils, ne sauraient remplacer la parole présidentielle.
Aussi, Solidaires Finances Publiques a décidé de s’adresser directement et officiellement à Emmanuel Macron par l’envoi d’un courrier, lui rappelant qu’un président de la République ne peut pas s’exprimer comme il l’a fait en 2019. Il doit au contraire s’assurer du bon fonctionnement de l’État et asseoir l’autorité de l’État. Son rôle n’est pas de diviser les citoyens mais de les conforter dans des valeurs démocratiques.

Les choses sont désormais clairement et sincèrement exprimées.

Pour en revenir à notre GT :

Le premier enjeu essentiel est de retrouver une considération et une estime pour les agents et les agentes de la DGFiP à travers une communication officielle percutante. Le Directeur Général a annoncé sur Ulysse une communication prochaine. Si cette prise de parole est nécessaire, elle ne peut ni ne doit être isolée et doit être accompagnée d’actes concrets.

La prévention et la mise en place du principe de Tolérance zéro à l’encontre de toute incivilité sont indispensables. Cela passe par une communication interne mais également par une communication externe. De telles expériences ont été menées par le passé et peuvent être réitérées : campagne d’affichage, messages dans les médias...

Ainsi, à titre d’exemple, pour le contrôle fiscal, une Charte du Contribuable avait été mise en place en 2005 et rappelait que le principe de l’impôt est légitime. Elle posait la nécessité d’un comportement responsable envers le vérificateur qui exerce sa mission dans un cadre strictement défini par la loi.

Nous réaffirmons l’importance des outils existants et mis en place pour dénoncer tout comportement anormal ou situation à risques (fiches de signalement, recensement des risques bâtimentaires...) et rappeler aux agents (y compris les équipes des directions locales et les encadrants) la nécessité de les utiliser. Or, un engagement sans failles est attendu, passant par des actions de formation adaptée axées uniquement sur les droits des agents et les agentes, et de s'assurer de leur appropriation. A ce titre, l’élaboration d’un Référentiel des Droits des Agents est indispensable. La DGFiP est dotée d’outils d’alerte suffisants, en revanche se pose la question, des moyens qui leurs sont alloués, de leur exploitation et des réponses apportées en termes d’actions. Dans le cadre des nouvelles instances, ces dispositifs devront demeurer et leur traitement être amélioré.

S’agissant de la mission contrôle fiscal, Solidaires Finances Publiques souhaite voir restituer à cette mission toute sa légitimité et rappeler que tous les agents et les agentes de la DGFiP concourent à sa réalisation. Il faut revenir aux fondamentaux : l’impôt est légitime et nécessaire, le contrôle est la contrepartie du système déclaratif, le contrôle assure l’équité fiscale, le contrôle s’effectue dans un cadre juridique établi et assure le respect des lois fiscales. Le changement de philosophie du contrôle fiscal opéré en 2018 avec notamment la loi ESSOC vient semer le trouble et la confusion et met en danger les personnels en charge de cette mission. Si le contrôle fiscal est parfois répressif, il a le plus souvent un rôle dissuasif. Le glissement opéré sur ces notions laisse à penser aux contribuables vérifiés qu’ils sont en droit d’obtenir ou d’imposer ce que bon leur semble. A ne cesser de répéter qu’un contrôle ne doit pas être intrusif, certains en arrivent à penser que le contrôle n’est pas ou plus légitime. A ne cesser de vanter la relation de confiance, certains en viennent à s’affranchir de toute règle et refusent d’être mis en défaut. Le discours tenu sur le contrôle fiscal doit être rectifié et rééquilibré, un bilan de la loi Essoc s’impose. Sans reprendre l’intégralité de nos propos liminaires, la parole politique est en ce domaine également importante et doit faire sens. Sur la mission même du contrôle fiscal, Solidaires Finances Publiques partage l’idée de travailler sur l’actualisation des textes et notamment sur la circulaire de juillet 2013, de veiller à leur diffusion régulière, à leur appropriation, à l’occasion de la prise de fonction et dans le cadre de formations dédiées, de réfléchir à améliorer les dispositifs de communication et de mutualisation des informations dans nos services mais avec l’extérieur également, de réfléchir à certains aménagements dans la procédure de contrôle (lieu de vérification, intervention en binôme systématique dans les domiciles…).

Mais notre syndicat, fort des expériences passées, ne souhaite voir opérer aucune récupération tendant à mettre en danger une mission légitime et nécessaire. Des solutions existent et peuvent être mises en place. La question des moyens alloués sera encore une fois déterminante et permettra de jauger la réelle volonté politique.

Il nous faudra dans ce GT arrêter les thèmes, la méthode et le calendrier.

En conclusion, une chose est sûre : la sécurité et la protection des agents ne souffrent aucune économie !