Le 23 février 2017, la Direction Générale nous a convié à un groupe de travail relatif au « Bilan d'étape du déploiement de la facturation électronique et de la dématérialisation».
Liminaire
Nous ne pouvons que constater que les conditions du dialogue social ne sont décidément plus réunies au sein de notre administration et nous le déplorons compte tenu des enjeux pour le collectif de travail et le service public. Lorsque nous dressons ce constat, il ne s'agit pas seulement d'évoquer l'organisation de ce que nous appellerons encore ici par commodité « groupes de travail ». Au fil de leurs convocations, nous avons dit et redit ce que nous pensions de leurs conditions d'organisation qui ne répondent pas à l'objectif affiché dans leur intitulé même, une approche que vous avez d'ailleurs déjà nuancé vous-même dans votre « lexique » accompagnant le calendrier de ces réunions.
Notre constat dépasse aujourd'hui le cadre de ces enceintes et celui des instances représentatives du personnel, nationales, directionnelles ou ministérielles. D'un bout à l'autre de l'échelle des responsables de notre administration, du local au national, le fil est de plus en plus tendu avec les représentant-e-s des personnels quand il ne craque pas. La dégradation du dialogue social se constate également sur le terrain. Nos équipes et sections locales rencontrent de plus en plus de difficultés dans leur activité syndicale et l'exercice de leurs mandats. Ce sont désormais les empêchements ou tentatives d'empêchements ou d'intimidations dans l'exercice des droits syndicaux qui se multiplient pour nos militant-e-s sur le terrain.
Pour les agents, c'est la remise en cause de leur droit à être défendu.
Une réaction concrète de la direction générale s'impose. Nous l'attendons !
Casser le thermomètre ne fera pas pour autant baisser la température ! Les militant-e-s ne sont pas une menace pour notre administration et sa direction générale. Ils sont attachés au service public et à sa pérennisation, ils refusent son abandon, ils entendent organiser avec les agent-e-s et les administré-e-s et citoyen-ne-s la résistance à son démantèlement.
Nous ne pouvons et vous ne pouvez ignorer cet état de fait à l'heure où vous nous proposez cette réunion dont d'ailleurs vous ne semblez vous-même pas bien sûr du statut. Elle ne semble même plus devoir mériter dans votre terminologie même le terme de groupe de travail. Ou, si elle est ainsi recensée à l' « agenda social » (sic), c'est pour la qualifier de « réunion informative ». Quant aux fiches que vous nous avez communiquées, elles sont à l'entête d'une « rencontre » avec les organisations syndicales.
Quel sens donner à cette « rencontre » ?
Ou vous réunissiez les organisations syndicales avant la date du 20 septembre 2016 à partir de laquelle dix-huit structures publiques, collectivités pilote ont été sélectionnées pour tester Chorus Portail Pro et vous pouviez même prétendre à un groupe de travail et une réunion de concertation. Ou encore vous les réunissiez pour débattre d'un premier bilan sur cette période de test avant le 1er janvier 2017 et envisager les conditions du début de la généralisation de la facturation électronique. En l'occurrence, aucun bilan dans vos fiches de cette période de test sur ces dix-huit structures. A contrario, à peine un mois après le début de cette généralisation, vous nous présentez un état d'avancement qui est, pour le coup, sans doute précoce et que vous considérez, comme nous pouvions nous y attendre, déjà très positif !
Vous ne vous y prendriez pas autrement pour nous laisser entendre que vous vous exonérez de tout débat réel dans la poursuite de votre œuvre de démantèlement de la DGFiP et nous vous renvoyons à cet effet à toutes nos déclarations et à nos écrits qui ne sont pas confidentiels et argumentent notre appréciation d'une réalité vécue par les agents et les administrés et partenaires de notre administration.
Vous nous fournissez ce qui ressemble plus à un état des lieux de l'avancement de vos travaux en matière de dématérialisation et facturation électronique qu'à un réel bilan.
Ce n'est même pas nous qui le prétendrions, seuls de notre côté. C'est vous-même qui l'affirmez puisque vous définissez notre « rencontre » (sic) de « réunion apportant des éléments d’information et/ou de bilan sur des chantiers en cours ».
Nous nous sommes encore exprimés récemment dans notre presse sur dématérialisation et e-facturation, là où cette dernière est déjà à l'épreuve, en particulier avec l'expérience de la sphère État. Elles ne sont pas simples virtualités dans nos services mais se traduisent par une dimension concrète et des contraintes bien réelles pour les agents concernés dans l'exercice de leurs missions, se superposant aux suppressions d'emplois, et se révélant pauvres en accompagnement en formation sur le terrain.
Notre inventaire de l'existant, celui qui peut le mieux éclairer l'avenir, ne se contente pas d'analyser les chiffres de flux dématérialisés à la petite semaine, ou plutôt à la semaine sur un petit mois, et à annoncer les agapes du programme à venir. Face à vos objectifs (les simplifications, toujours les simplifications, l'entreprise, toujours l’entreprise...) et aux étapes à dérouler de ce beau programme qui semble ne devoir souffrir aucune remise en cause, nous considérons l'enjeu réel du service public. Face à vos tableaux de bord un peu secs, nous entendons et nous faisons l'écho des réalités du terrain vécues par les agents.
D'ailleurs, étrangement, dans vos fiches, aucun développement sur les réorganisations de service, de « services facturiers à la sauce SPL » et leurs conséquences pour les agents, leurs conditions de travail et les conditions d'exercice de la mission, alors même que vous déclarez que « le passage à la facturation électronique revêt une forte dimension organisationnelle ».
Tout juste une fiche qui renvoie aux préconisations d'une « étude ergonomique sur les incidences des processus de dématérialisation et la problématique du recours au double écran », diffusée par note de service RH et mise en ligne sur Nausicaa cet automne 2016. Quid des contraintes budgétaires au delà de ses recommandations ?! Quel état des lieux en matière d'équipement, quel programme pour mettre en œuvre concrètement ces recommandations ?! Ce contenu aurait dû compléter utilement votre fiche.
Nous avons ainsi déjà eu l'occasion de nous exprimer sur Chorus Portail Pro et noter les difficultés rencontrées côté-dépense État lors de la fermeture de Chorus factures en septembre 2016 pour la nouvelle solution, alors que dix-huit structures publiques, collectivités pilote sélectionnées étaient conjointement en phase de test au 2nd semestre 2016 :
Impossibilités de connexion au service pour certains fournisseurs, « bugs » pour certains ordonnateurs, avec pour conséquence l'absence de pièce jointe pour la facture et un paiement en attente. Il y a donc bien eu des incidences contrairement à vos propos. Et il ne s'agissait pourtant alors que d'une migration applicative pour des fournisseurs déjà dans le circuit. De quoi s'inquiéter pour les nouveaux fournisseurs soumis peu à peu à l'obligation.
Tout comme dans les documents communiqués en vue de la « réunion d'information » sur les « évolutions Chorus », il n'est dans ceux adressés pour cette « rencontre » question que d'outils, de leur déploiement, de la cadence de ce dernier, de « volumétrie des structures publiques » (sic)... quand il n'est pas question de « structures publiques actives sans utilisateur »... ou « actives sans connexion »... Un lexique aurait été utile et nous avons bien compris qu'il s'agissait de « robotiser » la gestion publique...
Comment pouvez-vous nous dire que Chorus Pro fonctionne bien alors que les agents du Plateau Unique Virtuel Assistance Téléphonique Ordonnateurs étaient censés assurer une assistance de niveau 1, pour les ordonnateurs qui passent par le portail de la gestion publique, mais qu'ils n'ont reçu à ce jour aucune formation à cet effet, conséquence manifestement du retard pris dans la création de l'avatar qui a mobilisé les équipes ?
De ce fait, lorsqu'ils reçoivent des appels de niveau 1 concernant Chorus Pro côté ordonnateurs, ils sont dans l'incapacité de résoudre même une partie de leurs problèmes et sont contraints systématiquement de les renvoyer vers un numéro hotline spécifique mis à disposition depuis début janvier, sans savoir qui est derrière, et/ou de leur indiquer les noms de correspondants dématérialisation Chorus Pro de leur département.
Les agents de l' « AT ordo » sont réduits à un rôle de boîtes aux lettres qui leur fait s'interroger sur leur devenir dans le cadre de Chorus Pro, d'autant qu'ils apparaissent incompétents aux yeux d'ordonnateurs quant à eux formés. Ils s'interrogent dans ces conditions sur leur devenir tout court.
Où est l'anticipation dont vous semblez vous féliciter dans vos fiches dans la préparation de l'obligation de facturation électronique ?
Vous reconnaissez vous-même que l'instruction d'application n'est pas encore publiée et devrait l'être selon vous « à brève échéance ». Vous annoncez déjà des consignes de souplesse concernant les marchés. Vous reconnaissez vous-même que « la cible « obligatoire » », à savoir l'entrée de l'ensemble des grands fournisseurs dans Chorus Portail Pro d'ici la fin de l'année, « ne sera vraisemblablement pas entièrement atteinte dès 2017 », malgré l'accompagnement dédié de l'Agence pour l'Informatique Financière de l’État (AIFE) et les moyens de grands groupes. D'ailleurs, les logiciels informatiques utilisés par les ordonnateurs sont seulement en cours d'adaptation pour permettre le téléchargement automatique depuis Chorus pro jusqu'au logiciel comptable de l'ordonnateur.
De quoi s'inquiéter de l'extension de l'obligation de facturation électronique qui doit s'échelonner jusqu'en 2020 et concerner à terme l'ensemble des entreprises, c'est-à-dire y compris les petites et moyennes à partir de 2019 et les micro-entreprises en 2020, toutes entreprises qui ont bien moins de moyens que ces grands groupes.
Cette obligation n'est pas sans conséquence non plus pour les plus petites des collectivités. Si vous vous vantez que la « solution Chorus Pro est gratuitement mise à disposition des collectivités territoriales », vous négligez un peu vite le fait que l'accès à cette « solution » nécessite parfois un investissement informatique (équipement ou mise à niveau de l'équipement préalable, logiciel adapté, mise au norme des documents) dont le coût peut, lui, ne pas être négligeable en particulier pour une petite collectivité et pour ses administré-e-s.
Là comme pour le déploiement de l'Espace Numérique Sécurisé et Unifié (ENSU) en 2018, qui pose par ailleurs la question de ce qu'est réellement un espace sécurisé en ligne, la dématérialisation est loin d'être forcément synonyme de réelle égalité des usagers face au service public.
Les obligations des lois MAPTAM et NOTRé en matière de « tout démat' », celles de l'ordonnance sur la facturation électronique, incitent à la mutualisation et au regroupement des collectivités confrontées au coût de cette obligation et aux conséquences induites par les nouvelles méthodes de travail. Côté DGFIP, le développement des Services FACTuriers et des Services d'Appui au Réseau s'inscrit opportunément dans le cadre de cette obligation de facturation électronique qui se nourrit également des opportunités liées au CHD et à son exécution de masse. Pour Solidaires Finances Publiques, ces nouvelles structures sont un outil de destruction massive du réseau de l'ex-DGCP. Elles contribuent à briser le lien de proximité entre comptables, élus et administrés et partenaires.
L'informatique, la dématérialisation ne sont que des outils.
Elles peuvent contribuer à améliorer les tâches effectuées mais elles ne sont pas la panacée universelle et elles ont un coût. La dématérialisation peut éventuellement fonctionner si moyens financiers et maîtrise de l'informatique sont réunis. Mais, dans votre conception de l'informatique, elles s'accompagnent pour les agents d'une perte de sens de leur mission de service public car ils deviennent de simples maillons dans une chaîne de travail dont la finalité leur échappe. En aucun cas, l'informatique et la dématérialisation ne peuvent et ne doivent se substituer au service public de proximité physique et de contact humain.
Plus qu'à de réelles mesures de simplifications sensées faciliter, au cas de figure, la vie des entreprises, elles répondent aux objectifs de réduction de la dépense publique et bien plus fondamentalement de désengagement de l’État avec une logique de concentration et d'industrialisation des tâches. Logique qui n'est pas sans conséquence sur le rôle du comptable public, rôle qu'elle appauvrit et dénature....alors que le contexte nécessiterait au contraire un renforcement de ce rôle au service de l'intérêt général.
Pour conclure, un véritable groupe de travail consacré à la facturation électronique dans le secteur public local, respectueux des personnels et de leurs représentant-e-s, aurait nécessité la communication d'informations et de documentation préalables qui n'existent pas au cas de figure :
Au-delà du rappel de votre calendrier et de réunions et d'expérimentations, de vos plans de communication et d'actions, où sont les éléments concrets de bilan de la période de test de Chorus Portail Pro pour les dix-huit structures publiques qui ont essuyé les plâtres à compter du 20 septembre 2016, voire antérieurement ?
Où est le recensement exhaustif des services facturiers d'ores et déjà éventuellement mis en place, actés ou à l'étude dans le secteur public local ?
Où sont les éléments de bilan pour ceux d'entre eux dont l'expérience serait le cas échéant la plus avancée ?
Compte rendu
« FULL DEMAT' » : PSCHITT LE SERVICE PUBLIC !
Le 23 février, l'administration rencontrait les organisations pour un « bilan d'étape du déploiement de la facturation électronique et de la dématérialisation » dans le secteur public local.
Pour Nathalie Biquard, chef du Service des collectivités locales qui le présidait, il n'y avait pas de doute sur le statut de groupe de travail de cette réunion pourtant qualifiée d' « informative » au calendrier « social ». Elle a tenté de nous rassurer, et à travers nous, les personnels, en précisant que les remontées du terrain relayées par les organisations syndicales lors des « groupes de travail » aident également ses propres équipes.
Des remontées, il y en avait dans les propos liminaires de Solidaires Finances Publiques et des différentes organisations syndicales présentes. Elles sont néanmoins loin d'être aussi enthousiastes que le maigre tableau dressé par les fiches adressées par l'administration en vue de cette réunion.
Reconnaissant que la question soulevée par Solidaires Finances Publiques (voir notre liminaire) de la date de convocation de ce « groupe de travail » n'était « pas illégitime », elle a invoqué des « raisons organisationnelles de charge de travail des équipes ». À ce stade, Nathalie Biquard nous a même avoué que la direction se considérait plutôt fière du travail effectué. Si nous n'avons pas nié ni prétendu ignorer l'activité des services engagés dans cette phase de la dématérialisation, nous en avons profité pour réaffirmer que les bonnes conditions d'un véritable débat avec les représentants du personnel auraient justifié la tenue d'un groupe de travail avant la date du 20 septembre 2016. Date à partir de laquelle dix-huit structures publiques, collectivités pilote ont été sélectionnées pour tester Chorus Portail Pro :
- Commune de Paris SPL
- Metropole de Brest SPL
- Communauté de communes de Parthenay SPL
- Commune de Le Monetier Les Bains SPL
- Conseil régional de Provence Alpes Cote d'Azur SPL
- Conseil départemental du Département de l'Aube SPL
- Office Public de l'Habitat Vosgelis SPL
- Lille Métropole SPL
- Ville de Bordeaux SPL
- Université de Lorraine EPN
- Pole emploi EPN
- CNRS EPN
- CCI Paris EPN
- Lycée Bernart De Ventadour EPN
- APHP EPS
- CHU Amiens EPS
- CH Gpt Hospitalier Eaubonne Montmorency EPS
- DGAC ETAT
Facturation électronique ou fracture numérique
Chorus Portail Pro (CPP) 2017 est la « solution mutualisée » développée par l'AIFE et mise à disposition des entreprises et des collectivités publiques pour répondre à l'obligation de la facturation électronique prévue par la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises. Cette obligation s'impose progressivement aux fournisseurs dans leur relation avec l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics selon un calendrier établi du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2020 en fonction de la taille de l'entreprise. Par contre, l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements ont du tous être en capacité, dès le 1er janvier 2017, de les accepter comme de les émettre.
Pour Nathalie Biquart, la réunion ce 23 février avec les organisations syndicales intervient assez tôt au regard de la masse de travail à venir. Elle considère le nombre d'acteurs et la taille des structures impactées dès 2017. Les remontées statistiques qui illustraient la fiche administrative consacrée à la facturation électronique confirment que les plâtres ne sont pas encore « secs ». En effet, si un peu plus de 284.000 factures ont été reçues sur Chorus Pro, dont environ 206.000 hors État, en cinq semaines, la cible «obligatoire», à savoir l'entrée de l'ensemble des grands fournisseurs dans la solution CPP, doit conduire au dépôt de 20 millions de factures d'ici la fin de l'année. Cible qui, selon l'administration même, ne pourra vraisemblablement pas entièrement atteinte.
Dans cette mise en œuvre, si l'AIFE est le maître d'ouvrage, la DGFiP en est le « sponsor métier » et « l'accompagnateur de projet » pour les partenaires, pour reprendre les expressions de la cheffe du Service Collectivités Locales. Un « sponsor métier » bien en mal pour Solidaires Finances Publiques quand le Plateau Unique Virtuel Assistance Téléphonique Ordonnateurs (« AT Ordo »), censé assurer une assistance de niveau 1 en direction des ordonnateurs passant par le portail de la gestion publique, faute de formation, est réduit à jouer les simples standardistes orientant ses interlocuteurs vers une hotline ou les correspondants dématérialisation Chorus Pro du département...
Avatar et virtualité
À écouter Nathalie Biquard, il semblerait que l' « AT Ordo » soit là essentiellement pour nourrir l'avatar, « utilisateur virtuel » , sorte d'emploi fictif, en y partageant les questions traitées... Il doit permettre « l'automatisation des questions récurrentes » pour que les équipes d'assistance puissent « absorber le choc » de la montée en puissance de la facturation électronique.
Pas de quoi rassurer les agents de ces ateliers qui s'interrogent sur leur véritable rôle ! Tout comme nous, ils auront bien compris qu'il s'agissait, avec cet avatar, cet être dématérialisé, de limiter les sollicitations des « AT Ordo » aux interlocuteurs et effectifs bien humains... même si la direction générale affirme avoir fait le maximum pour permettre que la formation soit faite dans les meilleures conditions. Celle des seuls correspondants Chorus Pro à qui l' « AT ordo » renvoie ses interlocuteurs ? Le positionnement de l' « AT ordo » n'apparaît toujours pas plus clarifié à l'issue de cette réunion.
Bilan et retours d'expériences : quand le concret s'impose...
Selon l'administration, les dix-huit sites pilotes représentent des structures de taille et de nature très différentes, dont les éditeurs couvrent « une surface importante en termes de clients » (et non utilisateurs d'une informatique publique). Au regard des retours d'expérience de ces sites, la direction n'a pas nié les remontées de difficultés. Mais, au-delà de l'ajustement nécessaire des besoins, elle a considéré « qu'il n'y avait pas de blocage majeur ». En conséquence, elle a donné le feu vert au déploiement général de la facturation électronique et de la solution CPP au 1er janvier 2017. Si les retours d'expérience évoqués ont été mis en ligne, Solidaires Finances Publiques relève qu'ils n'ont pas été communiqués aux organisations syndicales dans le cadre de la préparation de cette réunion.
Côté État, via Chorus Factures, qui recevait déjà depuis 2013 des factures dématérialisées de ses fournisseurs, l'augmentation du volume à traiter (de 2 millions de factures à plus de 100 millions) a imposé de basculer vers le nouvel outil CPP. Cette migration applicative, censée être accompagnée d'une reprise automatique des comptes des fournisseurs, a pourtant nécessité de recréer des comptes. Le dispositif a été également « perturbé » par des soucis liés à l'obligation pour les fournisseurs de préciser les numéros d'engagements juridiques et de code service, nécessaires pour la visibilité des fournisseurs dans l'annuaire des structures publiques. L'administration n'en estime pas moins, pour autant et à son habitude, que, « sous ces réserves », selon ses indicateurs, « cela s'est plutôt bien passé ».
L'administration a par ailleurs admis que des problèmes liés au numéro de SIRET et de factures « en début de process » ont nui au bon fonctionnement des remontées d'information (statut de la facture) dans Chorus Portail Pro. Elle nous a précisé que l'enjeu de 2017 était les grandes entreprises et fournisseurs : malgré un accompagnement particulier de l'AIFE, aucun grand fournisseur n'est en mesure de dématérialiser entièrement les factures. Un gros travail de cadrage et de paramétrage est encore nécessaire.
Face aux difficultés des grosses structures à mettre en œuvre la dématérialisation, la DGFiP a souhaité faire inscrire dans la loi NOTRé l'obligation qui leur est faite de la facturation électronique.
La direction générale nous a d'autre part informés que l'instruction d'application relative à cette obligation avait été signée le matin du « groupe de travail » .
SFACTs SPL : les premiers pas
Pour Solidaires Finances Publiques, il n'y a rien d'anormal à ce que l'administration ait, comme elle l'a prétendu pour justifier son ordre du jour, la préoccupation de fournir des logiciels qui fonctionnent au réseau et à ses agents pour la facturation électronique. Nous connaissons par ailleurs le rôle structurant d'applications comme Hélios ou Chorus pour l'organisation des services et le réseau de la DGFiP. C'est donc sur ses projets de réorganisations du réseau que nous tenions particulièrement à entendre la direction générale puisque depuis quelques mois services facturiers et services d'appui au réseau sont dans le paysage du secteur public local.
Solidaires Finances Publiques a du insister pour savoir où la DGFiP en était notamment de ces centres de traitement de la dépense en mode facturier propres au secteur public local, évoqués pour la première fois lors d'un groupe de travail le 5 mai 2015. C'est le nouveau décret sur la gestion budgétaire et comptable public du 7 novembre 2012 qui a instauré cette procédure de traitement de la dépense au delà de le seule sphère de la dépense État. Services Facturiers que dénonce Solidaires Finances Publiques, tant pour le traitement de la dépense État que pour celui des dépenses des collectivités territoriales. Ces derniers, pour nous, contribuent à brouiller la séparation ordonnateur/comptable garante d'un contrôle neutre, rigoureux, expert et indépendant des comptes, ainsi qu'à développer le traitement industrialisé des tâches.
Comme elle l'avait déjà dit lors du GT du 5 mai 2015, Nathalie Biquard a répété qu'elle ne pensait pas que le modèle du service facturier avait vocation à se développer dans le secteur public local. Mais l'évolution du paysage administratif français, avec en particulier la loi NOTRé, pourrait bien conduire à une accélération de son développement. Ce n'est manifestement pas encore le cas puisqu'elle a répondu à notre liminaire en nous précisant que seuls deux SFACTs devraient voir le jour en 2017 : celui de Lons Le Saunier dans le Jura et celui du Grand Paris.
Le service facturier de Lons Le Saunier, de petite taille, traitera les factures de cinq collectivités (ville, communauté d'agglomération, CCAS, un syndicat mixte et le pôle d'équilibre territorial et rural du pays lédonien selon nos informations).
Il disposera de quatre agents (deux issus de la direction des finances des collectivités concernées et deux issus de la trésorerie de Lons le Saunier Municipale et Amendes toujours selon nos informations). Après huit mois de préparation, il devrait être mis en place en avril 2017.
Parmi les pré-requis, la cheffe du Service des Collectivités Locales a considéré nécessaire une bonne coopération avec les ordonnateurs. Pour le SFACT SPL de Lons le Saunier, nous savons qu'il existait déjà deux engagements partenariaux entre la trésorerie et d'une part la ville, de l'autre la communauté d'agglomération. Une convention de contrôle allégé en partenariat était également déjà signée avec le syndicat mixte. En outre, la cheffe du SCL nous a confirmé que tous les budgets étaient déjà dématérialisés.
Le SFACT du Grand Paris, dont les travaux de préparation sont plus longs, devrait démarrer quant à lui en septembre 2017. Un guide disponible sur Nausicaa s'appuie sur ces deux expériences. Cette organisation, ce partenariat et ce travail en commun, valorisent d'ailleurs, selon Nathalie Biquart, les compétences et l'image de la DGFiP. Pour Solidaires Finances Publiques, ces évolutions sont surtout synonymes de désengagement de notre administration. Deux autres SFACTs sont en discussion mais ne verront pas le jour cette année : l'un concernant l'agglomération d'Agen, l'autre l'agglomération de Nîmes et le Conseil départemental du Gard.
Les trente-six Services d'Appui au Réseau, pour lesquels un groupe de travail « bilan intermédiaire » est programmé le 20 avril, ont tous démarré, certains en direction avec parfois des agents de l’Équipe Départementale de Renfort, d'autres étant adossés à des postes comptables. Le recrutement se fait actuellement sur la base du volontariat a affirmé Nathalie Biquard. La cheffe du Service des collectivités locales a demandé à la mission comptable une expertise sur le contrôle interne des comptables délégataires toujours responsables personnellement et pécuniairement dans le cadre des transferts de tâches sur les SAR. Elle a annoncé qu'elle en rendrait compte lors du groupe de travail dédié le 20 avril.
Loin de la vision idyllique de la direction générale, pour Solidaires Finances Publiques, SFACTs et SAR ont vocation à « vampiriser » le maillage territorial, c'est-à-dire à le vider de sa substance, à l'assécher de ses missions de service public et de ses tâches de proximité !
Des préconisations ergonomiques à prendre en compte rapidement
Parmi les fiches communiquées à l'occasion de ce groupe de travail, l'une abordait les préconisations d'une étude ergonomique lancée en 2014 et, après sa présentation en CHSCT ministériel, diffusée au réseau par une note de service RH à l'automne 2016. Cette étude formule un certain de nombre de recommandations dans le cadre du travail sur double écran qui s'est développé avec la dématérialisation. Comme l'a décrit la note de service, « la dématérialisation se définit comme la transposition d’un support « papier » sur un support numérique (écran) ».
Selon cette même note de service, l'étude a conclu que « l’affichage d’un document dématérialisé sur deux-écrans optimise le confort visuel en mettant en perspective les informations sur un même plan. Néanmoins, cela reste une activité sur écran qui peut engendrer des troubles si la situation de travail n’est pas adaptée. L’augmentation du temps de travail sur écran peut également avoir des conséquences sur la santé des agents ».
Pour l'étude, l'usage du double écran réinterroge donc les conditions de travail des agents principalement autour de deux axes : l'aménagement et l'organisation du travail. En découle une série de recommandations :
-
paires d’écrans similaires en termes de marque, modèle et taille, taille et format d’écran adaptés au travail à effectuer et plus particulièrement au type d’image à afficher, qualité de l'image similaire d'un écran à l'autre afin d’assurer une présentation visuelle homogène.
- alterner les tâches sur écran avec d’autres activités, enrichir les opérations de saisie avec des tâches de réflexion, aménager une pause d’au moins 5 minutes toutes les heures si la tâche est intensive, d'un quart d’heure toutes les 2 heures si la tâche l’est moins ou encore susciter des déplacements, par l’éloignement raisonnable des périphériques d’impression, afin de lutter contre la sédentarité.
Pour que cette étude ne reste pas lettre morte, tous doivent s'emparer sur le terrain de ces préconisations : agents de prévention, services budget immobilier logistique, chefs de poste, agents... comme le recommande d'ailleurs la note de service.
Selon Nathalie Biquard elle-même, « le sujet doit être examiné systématiquement dans tous les postes et les directions au vu de bilans précis établis par les CHS locaux ». Elle s'est en conséquence déclarée « favorable à démarcher le service des ressources humaines ». Elle a reconnu que le retour d'étude, deux ans après sa commande alors que le déploiement de double écran était alors très faible, était tardif et « pas très glorieux ». Ce qui, rappelons le, pose la revendication bien plus fondamentale de l'obligation d'une étude préalable à toute modification organisationnelle.
Pour Solidaires Finances Publiques, alors que le travail sur double écran s'est développé avec Hélios et Chorus, les agents et leurs représentants, notamment à travers les CHS CT, doivent pouvoir vérifier et imposer ces aménagements.
La contrainte budgétaire invoquée « à tout va » par nos directions (nationale et locales), rappelée dans notre liminaire, ne doit pas être un obstacle à la mise en œuvre de ce qui, plus que des recommandations, doit relever de prescriptions dans l'intérêt de la santé et des conditions de travail des agents, et donc de leurs missions de service public.