Partageant plusieurs constats de l’enquête réalisée par l’Association des Maires de France sur les relations des collectivités locales avec la DGFiP depuis la mise en place du NRP, Solidaires Finances Publiques lui propose d’échanger afin de conforter nos revendications en la matière, pour avancer sur l’amélioration de la qualité du SPL pour les collectivités et des conditions de travail des agentes et des agents en charge de la mission.
A Monsieur David LISNARD, Président de l’Association des Maires de France
Aux maires de France,
Madame, Monsieur,
Le 17 octobre dernier, l’association des maires de France (AMF) publiait une enquête conduite auprès des communes et intercommunalités sur leurs relations avec la DGFIP, depuis la restructuration de son réseau territorial amorcé en 2019.
Les constats qui y sont dressés rejoignent les alertes portées par Solidaires Finances Publiques, 1ère organisation syndicale de la DGFiP, dès l’annonce de ce qui a constitué un véritable plan social pour la DGFiP, l’État ayant décidé de sacrifier le maillage de sa dernière grande administration de proximité, sans se préoccuper des conséquences pour les usagères et usagers, renforçant un peu plus leur sentiment d’abandon.
Selon les collectivités concernées, la réforme a notamment conduit à une dégradation des relations avec les services de gestion comptable (SGC), à une perte de proximité avec l’ensemble des usagers, une déshumanisation des relations, un allongement des délais de traitement, une perte de confiance.
Ceci ne nous surprend malheureusement pas, ayant, bien en amont, alerté la DGFiP de ces conséquences prévisibles. Sachez toutefois que ce sentiment est partagé par l’immense majorité des agentes et des agents œuvrant dans les SGC. Ils et elles regrettent la segmentation des tâches et la disparition du lien privilégié avec les personnels des mairies, impactant l’ensemble des collectivités et pénalisant encore plus durement les petites communes.
Plus globalement, les personnels déplorent le manque de moyens humains pour exercer leur mission de service public, ne disposant plus du temps nécessaire pour assurer un accompagnement des collectivités personnalisé et bienveillant.
Le SGC a d’ailleurs été pensé uniquement comme un centre de traitement industriel du paiement des dépenses, du recouvrement de recettes et de la tenue des comptabilités, vecteur de suppressions d’emplois. L’automatisation des tâches est amorcée et devrait encore se renforcer. La dégradation avérée de l’exercice et de la qualité des missions contribue à la détérioration des conditions de travail et à une perte de sens du travail, source d’un mal-être grandissant.
Des consignes hiérarchiques ineptes sont parfois données pour abandonner la prise en charge des opérations des collectivités par des interlocuteurs dédiés et identifiés, au profit d’un traitement de masse, anonyme et déresponsabilisant.
Le transfert de l’encaissement et de l’approvisionnement des régies à la banque postale a pour conséquence une dégradation du service rendu aux régisseurs conduisant parfois à la fermeture des régies, au détriment des usagers du service public. C’est en outre une gabegie financière puisque le coût de cette externalisation de mission avoisine les 12 millions d’euros, ce qui ne laisse pas de surprendre à l’heure où il est de bon ton de rechercher des économies.
Le 21 novembre, la directrice générale des finances publiques a interpellé le Président de l’AMF dans un courrier particulièrement vindicatif, pour dénoncer le manque de représentativité de l’échantillon de collectivités utilisé lors l’enquête, préférant ainsi contester la fiabilité du thermomètre plutôt que de s’interroger sur le bien fondé des critiques formulées.
Les résultats de l’enquête heurtent, en effet, frontalement la communication officielle de la DGFiP, selon laquelle les collectivités seraient, dans leur écrasante majorité, ravies des prestations offertes.
La DGFiP est en effet devenue experte dans l’art de produire des enquêtes garantissant des réponses conformes à ses attentes. Les indicateurs de performance sont, ainsi, élaborés de manière à être toujours positifs, quitte à ce qu’ils contribuent à creuser l’abîme existant entre la qualité mesurée et la qualité ressentie.
Concernant le conseil aux collectivités, Solidaires Finances Publiques a également souligné dès l’origine du projet, comme l’enquête le relate, le périmètre démesuré des missions dévolues aux conseillers aux décideurs locaux. Or, les conséquences néfastes de cette démesure vont, malheureusement, s’accentuer à mesure que ces postes seront occupés par des nouvelles agentes ou nouveaux agents, sans l’expérience acquise par celles et ceux qui, nombreux, avaient auparavant été trésoriers. Certaines missions de conseil très spécifiques, telle que celle relative à la fiscalité directe locale, pourraient, comme c’était le cas avant la restructuration du réseau, redevenir l’apanage de services de direction.
Enfin, le conseil relatif aux imputations et à la qualité comptable pourrait être avantageusement dispensé par le comptable du SGC, lui permettant ainsi d’exercer la plénitude de la mission de gestion comptable.
Solidaires Finances Publiques préconise par ailleurs que la formation des personnels des mairies soit, sur les questions relatives à la gestion financière et comptable des collectivités, assurée par la DGFiP.
En effet, les rejets de mandats que relève l’enquête, s’ils ne sont malheureusement pas toujours suffisamment expliqués, ne sont pas forcément dénués de fondements. S’il est important d’être attentifs à la formation des agents et agentes des SGC, la rotation importante des personnels dans les services municipaux et leur manque de formation sur la réglementation budgétaire et comptable conduisent parfois les collectivités à engager des dépenses en méconnaissance des exigences légales et réglementaires.
Par ailleurs, Solidaires Finances Publique avait souligné le caractère artificiel de la multiplication affichée des points de contact de la DGFIP, et notamment des espaces France Service, lorsque les agents des finances publiques n’y sont pas présents.
En effet, bien que la présence d’un espace réhumanisant les liens avec l’administration soit évidemment appréciée, la seule intermédiation avec des services de la DGFiP, physiquement éloignés, par l’animateur France Service, ne saurait satisfaire pleinement les demandes des usagers concernant la DGFIP.
Solidaires Finances Publiques avait d’ailleurs alerté les élus locaux sur les conséquences de la déstructuration du réseau et la fermeture massive de trésoreries de proximité.
Cependant, malgré des centaines de délibérations de conseils municipaux refusant ces fermetures, la DGFIP a persisté dans sa volonté dogmatique de concentration des services, et ce ne sont pas les signatures, par les élus locaux, de nombreuses chartes d’engagement, dépourvues d’obligation pour l’État, qui ont permis de maintenir de réels services de proximité.
Enfin et surtout, les effectifs affectés dans les services de gestion comptable sont aujourd’hui très largement insuffisants pour assurer correctement leurs missions au service des collectivités locales. Nombreuses sont les tâches utiles qui ont été abandonnées ou qui sont exécutées de manière superficielle, faute de moyens disponibles. A ce titre, il est illusoire de penser qu’une simple modification de l’organisation ou de nouveaux outils permettront d’améliorer significativement le service rendu.
Pour que la DGFIP puisse « rester le partenaire privilégié des collectivités pour assurer ses missions de conseil, d’expertise et d’accompagnement, en plus de ses missions de contrôle », au plus près des élus et de leurs concitoyens, une densification du maillage DGFIP et des moyens humains supplémentaires dédiés sont indispensables.
L’insuffisance actuelle des moyens qui lui sont alloués est une des raisons du sentiment d’abandon ressenti par les collectivités et les citoyens. Elle participe de la crise démocratique que nous vivons.
Solidaires Finances Publiques se tient à la disposition de votre association pour échanger sur des solutions concrètes de nature à améliorer le service rendu aux collectivités locales et, le cas échéant, à les porter auprès de la Direction Générale des Finances Publiques.
Sandra Demarcq
Secrétaire générale de Solidaires Finances Publiques