Un Groupe de travail sur la transformation numérique s’est déroulé à Bercy le 19 octobre dernier. Neuf fiches étaient à l’ordre du jour. Le groupe de travail était présidé par M. Girault, responsable du service Cap Numérique.

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Monsieur le Président,

Vous nous conviez aujourd’hui à un GT sur la transformation numérique au sein de la DGFiP.

Ce groupe de travail est majeur pour le devenir de la DGFiP. La transformation numérique présentée dans ces fiches va structurer l’ensemble des missions au travers de leur chaîne de travail.

Pour Solidaires Finances Publiques, et il nous semble important de le répéter en préambule, nous ne faisons pas de l'anti-technologie primaire. Nous estimons cependant que les techniques de l'information et de la communication doivent venir d’abord apporter une aide à l'exercice des missions et répondre à des demandes et à des besoins identifiés et formalisés par les utilisateurs.

Or nous ne pouvons que déplorer que l'ambition numérique de la DGFiP constitue d'abord une arme d'accompagnement de la réduction des effectifs décidée ailleurs, ensuite une arme de destruction massive des missions, des emplois et des structures. De plus pour nous, ces nouveaux outils ont aussi un impact négatif non négligeable pour les administrés qui s'adressent à la DGFiP.

Vous connaissez notre attachement viscéral à une DGFiP proche du public, accessible à tous et toutes, quels que soient leurs lieux de vie, quelles que soient leurs connaissances techniques, et leur appétence du numérique. Vous le savez, une grande partie de la population ne se sent pas prête à passer le cap du tout numérique, et a besoin d’une présence et d’un accompagnement physiques, réguliers. Ce qui ressort de ces fiches va pour nous dans une direction opposée.

Mème si nous ne sommes pas dans un GT dédié à l’accueil, les fiches qui nous sont présentées aujourd’hui y touchent de très près. À leurs lecture et analyse, on se dirige vers une suppression de l’accueil multicanal au profit d’une volonté de mettre en place un système où le contribuable devra lui-même trouver ses informations, et en priorité via internet et impots.gouv.fr. Le but que vous affichez clairement est de faire en sorte que le contribuable se déplace le moins possible dans les services de la DGFiP, et qu’il se débrouille par lui-même. Malheureusement, les faits sont comme souvent têtus et vos projets risquent de se heurter rapidement aux besoins forts de nos concitoyens en ce domaine.

Vous le savez, à l'inverse de vos souhaits, l’accueil au guichet est toujours une forte demande du public, et ce malgré la crise sanitaire. C’est un signe que le canal numérique, s'il est bien sûr utilisé par de très nombreux contribuables, ne peut pas remplacer un véritable contact humain. La DGFiP que vous nous projetez à terme dans ces fiches n’est pas celle que nous portons. Nous combattons cette vision réductrice qui est pour nous fortement porteuse d’inégalité. Vision clairement partagé par le défenseur des droits. Pour ce dernier, je cite « Les pouvoirs publics ne devront jamais perdre de vue que, dans cette transformation en profondeur de nos services publics, l’objectif premier devra rester l’amélioration du service rendu aux usagers, à tous les usagers, et le maintien des droits pour tous. Si une seule personne devait être privée de ses droits du fait de la dématérialisation d’un service public, ce serait un échec pour notre démocratie et pour l’Etat de droit. »

On voit bien la direction que vous voulez emprunter. Avec la mise en place des Aidants connects, le développement de l’ENSU, la mise à disposition de nos données via les API, ou la mise en place du projet "lac de données" comme vous l’appelez, ce n’est plus une transformation numérique que vous portez, mais bel et bien une hégémonie du numérique que vous désirez imposer. Ainsi nous assistons en réalité à une forme d'acculturation forcée des usagers à votre vision du numérique.

Cette acculturation forcée prend aussi racine dans les orientations de la DGFiP qui visent d'une part à réduire de manière drastique le maillage territorial, d'autre part et par exemple à bannir les espèces de nos services. Nous pourrions rajouter entre ces deux points, celui de la réduction des horaires d'ouverture qui conduit, avec la mise en place de l'accueil sur rendez-vous, à une diminution drastique de l’accès à nos services. Privés de lieux où il peut rencontrer physiquement et sans contrainte un agent des Finances publiques susceptible de répondre à ses demandes et à régler ses problèmes, renvoyé à l’estaminet du coin pour payer la cantine de ses enfants, le centre aéré ou tout autre service public local, l'administré n'a d'autre choix que de se rabattre sur internet... S'il ne le peut pas, quelle solution a-t-il ? Nous ne sommes pas les seuls à dire et écrire cela, le défenseur des droits lui-même appelle à la mesure et à la prudence afin de ne pas créer en plus des fractures sociales et territoriales, une fracture numérique. Mais le pire sans doute de cette acculturation forcée vient de vous quand l'option « tout dématérialisé » n'est pas proposée, mais bel et bien imposée, avec pour conséquence, une sollicitation directe du contribuable qui ne comprend pas pourquoi il ne reçoit plus ses déclarations 2042 comme lors de la campagne IR, cette année.

Du point de vue des missions et de leur exercice, nous entrons dans une phase pour le moins critique et dangereuse. Nous n'en sommes plus à mesurer les apports des nouvelles technologies. Nous arrivons à un stade où la technologie a pour ambition de supprimer ou de formater profondément le travail, comme avec la mise en place des chat-bots dans les centres de contact. Le numérique modifie de ce point de vue le périmètre et le cadre d'exercice des missions, quand il ne les fait pas disparaître.

Vous comprendrez donc nos très fortes réticences aujourd’hui sur plusieurs sujets qui nous sont présentés, réticences que nous exprimerons de manière plus détaillée lors de l’étude des différentes fiches aujourd’hui.

Enfin, nous sommes surpris de ne pas voir de fiche sur le déploiement de l’intelligence artificielle à la DGFiP alors qu’elle figure en bonne place dans le COM. Qu’en est-il par exemple de l’expérimentation des chat-bot liée à la gestion des e-contacts, sachant qu’une expérimentation est prévue ce mois-ci dans 2 CDC ? Nous constatons un même manque d’information concernant la création de la DTNUM alors qu’une préfiguration était prévue au 1er octobre et qu’un directeur de projet "lac de données" est d’ores et déjà recruté... Ce sujet avait pourtant été annoncé comme étant à l’ordre du jour de ce GT lors du dernier GT informatique. Nous aimerions par conséquent avoir aujourd’hui un point précis et exhaustif sur ces deux sujets.

Enfin pour conclure, on nous a signalé de très forte perturbations et problèmes de connexion aux diverses applications "métiers" (e-contact en particulier). Ceci est particulièrement pénible pour les collègues car récurrent et quasi quotidien. Nous aimerions savoir les mesures prises pour trouver une solution à cet état de fait.