SPF : quand « allègement des tâches » est synonyme de suppression/transfert de missions

Le 30 mai 2018 était prévu un groupe de travail sur l'évolution du réseau des Services de Publicité Foncière (SPF). Et l'évolution, en mode DGFiP, c'est la disparition d'une partie des missions des SPF. Le rouleau compresseur des suppressions d'emplois, de CAP22 n'oublie personne.

Comme pour les autres groupes de travail de la période, les organisations syndicales ont demandé son report d'ici le 3/07/18, date du prochain Comité Technique de Réseau (CTR), permettant également de tenir compte du 1er rapport du Comité CAP22 qui doit paraître début juin.

Les 8 fiches fournies, entre fusion des SPF/SPFE (SPFE : Services de Publicité Foncière et Enregistrement), gains attendus de Télé@ctes et de l'accès des notaires au fichier immobilier (ANF), divers « allègements de tâches » (dixit la DG), amènent bel et bien à la disparition d'implantations de services, à des transferts de travaux voire de missions vers les notaires.

La publicité foncière est une matière très technique donc fusionnons les SPF/SPFE !

La DG établit à 354 le nombre de SPF/SPFE. Afin de reconnaître la grande technicité des agents, la DG veut fusionner. Logique ?
Le Jura entame la valse en juin 2018 avec la fusion des SPF Lons-Le-Saunier 1 et 2, à titre d'expérimentation jusqu'en octobre 2018, date de fusion définitive. Ne doutant absolument pas de la réussite de cette expérimentation, la DG prévoit déjà, sans phase expérimentale cette fois, la fusion en novembre et décembre 2018 des SPF :
- Troyes 1 et 2 (Aude),
- Châteauroux 1 et 2 (Indre),
- Montauban 1 et 2 (Tarn-et-Garonne),
- Blois 1, 2 et 3 (Loir-et-Cher),
- Alençon 1, 2, 3 et 4 (Orne).

La cible finale ? Une structure par département (sauf pour les plus gros… mais comment déterminer ces plus gros départements ?), 50 agents maximum par structure, possibilité exceptionnelle de créer une antenne et un calendrier articulé avec celui de l'ANF. C'est posé.

Télé@ctes et ANF

Depuis 2017, les échanges entre SPF et notaires sont obligatoirement dématérialisés (décret n°2010-770 du 4/05/17 et arrêté du 2/06/17) pour une série d'actes comme les actes de vente ou les actes de constitution de servitude. L'obligation est portée aux actes signés depuis le 1/01/18.

De plus, depuis juillet 2017, une expérimentation ANF est en cours sur l'automatisation des réponses aux demandes de renseignements auprès d'un panel de notaires, dans 8 départements (Corse-du-Sud, Haute-Corse, Haute-Garonne, Gironde, Loiret, Nièvre, Sarthe et Seine-Maritime). Cette expérimentation, finalisée en septembre 2018, sera complétée par ANF-Actes permettant aux études notariales de disposer des actes publiés. 13 départements doivent intégrer le dispositif en 2018, 45 en 2019 et 39 en 2020.

Pourquoi s'arrêter là ? La DGFiP réfléchit beaucoup...

Pour la publicité foncière.

D'une part, passer d'une publication d'une formalité au fichier immobilier en 2 temps (date de publication dans l'application Fidji et date d'inscription au registre des dépôts) à une publication unitaire. La DGFiP veut instaurer cette publication unitaire à la formalité et non plus par journée de dépôt. D'autre part, instituer un contrôle allégé en partenariat (CAP) avec des études notariales. Revoilà les notaires. Expérimenté dans certaines directions, ce CAP porte sur les formalités à publier. Les notaires s'engagent à mettre en place un contrôle qualité sur les actes visés avant envoi au SPF et les SPF s'engagent à mettre en place un contrôle simplifié des actes labellisés par cette procédure.

Les mots sont lâchés : il s'agit bien ici du transfert du contrôle qualité aux notaires, donc d'une partie des travaux des agent-e-s des SPF. Sans parler de la garantie totale d'un contrôle correctement effectué… Tout cela dans une dématérialisation la plus large possible. Par contre, rien n'est indiqué sur la responsabilité engagée en cas d'erreur. L'étude notariale, la DGFiP, les deux ?

Pour l'enregistrement.

Dans la ligne droite du « tout dématérialisé », voilà « Télé-enregistrement ». Ce projet vise à proposer aux usagers le dépôt dématérialisé des actes et déclarations, l'auto-liquidation des droits, le paiement en ligne et le retour automatisé de ces documents portant la mention d'enregistrement. Supprimer des tâches de saisie, idée qui peut séduire les agents noyés dans leurs tâches, mais pas quand cela justifie des suppressions de postes, sans pour autant réellement alléger le travail au final car qui peut dire aujourd'hui qu'il y aura zéro erreur et comment ces erreurs seront corrigées ?

Et les notaires, notre fil rouge, dans tout cela ? En lien avec le CSN, la DGFiP veut étendre l'obligation de paiement par virement dématérialisé aux documents relevant de l'enregistrement (dépôts des actes et déclarations) et abandonner le bordereau récapitulatif des actes présentés à la formalité de l'enregistrement. Le dépôt d'un moyen de paiement par acte ou déclaration suffirait.

Quel soutien attendre de la DGFiP ?

La DGFiP propose un soutien vers les directions mais se défausse de celui attendu pour ses agents en prônant l'entraide entre SPF (du moins de ce qu'il va en rester), comptant sur le lien de solidarité professionnelle entre eux ou en demandant aux directions locales de créer des postes d'EDR spécialisés en publicité foncière.

Puisque le besoin en emploi est ainsi affirmé, pourquoi ne pas remplir les chaises déjà vides dans les SPF, ne pas créer des postes supplémentaires dans ces structures au lieu de les fusionner ?

La Brigade Nationale d'Intervention en Publicité Foncière (BNIPF) renforce certains SPF pour réduire leur délai de publication et teste des évolutions d'applications informatiques avant déploiement dans les services. Sous la justification du transfert de l'ensemble des fichiers immobiliers sur un serveur national unique et de l'obligation des notaires de dématérialiser leurs échanges avec les SPF, le travail à distance sera développé. Couplé à l'idée de la création d'antennes BNIPF dans une ou plusieurs résidences, ce sont les modes de gestion des brigadiers qui seront touchés. Un groupe de travail sur la BNIPF est prévu pour la rentrée 2018.

Pour les agents des SPF, cela signifie que la présence physique des brigadiers va disparaître au profit d'échanges et d'actions dématérialisés, que les actes papiers actuels seront traités plus tardivement… en affichage, un gain attendu en temps de traitement qui ne se verra pas en réel dans les services.

Et en matière de gestion, quel devenir pour les agents des SPF ?

La DG annonce que « les règles habituelles en matière de restructuration de service (règles de priorité RH et régimes indemnitaires) seront mises en œuvre ». Mais que restera-t-il de ces règles à ce moment-là ? Entre la fin programmée des CAP dans le cadre de CAP22, l'annonce par la DGFiP dans le GT du 10/04/18, sur la préfiguration de l'affectation nationale au département, de la fin de la garantie de maintien à résidence, l'emprise de plus en plus forte des directeurs locaux sur l'avenir professionnel de leurs agents, etc, qui peut croire aujourd'hui que tout sera fait pour le mieux des agents ? L'idée d'une organisation de travail à distance, à titre transitoire, ne serait qu'un pis-aller, appelé de toute façon aussi à disparaître.

La DGFiP ne voudrait que le bien des agents en SPF, en supprimant les missions à faible valeur ajoutée, en allégeant les tâches, dans le but de reconnaître leur grande technicité. Ne nous leurrons pas ! Il s'agit bien ici, comme d'autres services connaissent, de supprimer des emplois, des implantations. Là où la DGFiP annonce « reconnaissance des agents », Solidaires Finances Publiques répond « mépris des agents » !

En voyant ces transferts de travaux, de missions, appelés pompeusement allègements de tâches, vers les études notariales, comment ne pas faire le lien avec le transfert de la mission topographique du cadastre vers l'IGN ? C'est l'ensemble des missions foncières et cadastrales qui sont dans le viseur de la DGFiP !

Battons-nous, toutes et tous ensemble, pour la sauvegarde de nos missions, de notre technicité, de nos emplois !