Le site Ulysse a pris des allures d’organe central du parti en publiant ce 18 février un florilège de meilleures citations de Gérald Darmanin, ci-devant Monsieur notre Ministre. Ces citations concernent les agent-es des Finances publiques et sont censées leur montrer tout le bien que leur ministre en pense. On est prié de le croire sur parole puisque Ulysse porte la bonne parole.
Nous pourrions en sourire et peut-être même s’en féliciter s’il n’y avait pas un tel décalage entre les propos du ministre et ses projets. C’est décidément une opération pour le moins surprenante, pour ne pas dire scandaleuse, provocatrice et particulièrement cynique, à l’heure où le même Ministre s’apprête à saborder la DGFiP.
A l’image des termes utilisés dans le cadre de l’entretien professionnel, qu’il faut parfois « traduire », voici un rapide pastiche en forme de décryptage du véritable sens des déclarations du ministre.
« Je voudrais remercier tous les agents de la DGFiP » : un esprit malicieux pourrait s’interroger : remercier au sens managérial du terme, autrement dit, « virer » ? Il est vrai que cela collerait mieux avec la réalité du projet « fonction publique » du gouvernement (détachement d’office, rupture conventionnelle).
« C’est une belle administration professionnelle (…) il faut avoir confiance dans nos agents publics ». Mais cette belle administration n’existera bientôt plus, l’hommage prend ici la forme d’un oraison bien funèbre. Vue du ministère, la confiance ressemble étonnamment à un vœu : qu’ils ne se mobilisent pas contre mes projets.
« Les agents des finances publiques (…) font un travail très important au service du public ». Le « très important » est en-dessous de la réalité. Pire, il alourdit le propos. Ne nous y trompons pas, il s’agit ici d’une insuffisance dans les propos ministériels. Un véritable hommage aurait employé le terme « exceptionnel » ou « vital dans notre société » par exemple. Il est loin le temps où, bien que supprimant des emplois, les responsables gouvernementaux avaient au moins l’élégance de dire que la DGFiP était « au cœur de la République ». Ce qu’elle n’est visiblement plus aux yeux du gouvernement puisqu’il n’emploie plus (délibérément) ce terme : vu ses projets, on sait désormais pourquoi.
« Nous avons une belle administration ». Cf. ci-dessus. C’est un peu court Monsieur le Ministre, vous auriez pu dire « C’est une administration reconnue pour ses compétences grâce auxquelles l’impôt rentre bien, ce qui permet de bénéficier de taux bas pour financer une dette publique alimentée par nos baisses d’impôt notamment. Une administration qui est aussi reconnue par nos concitoyens bref, une administration qui marche et que nous allons renforcer ». Voici ce que vous auriez pu dire, et faire...
« C’est une belle réforme (ndlr : le prélèvement à la source) et nous la devons (…) avant tout à tous ces agents publics ». Qui n’avaient rien demandé, précisons-le au passage.
Décidément, l’odyssée de la DGFiP réserve son lot de surprises. Que penser de ces déclarations homériques ministérielles et de leur « promotion » via Ulysse ? Qui trop étreint mal embrasse, à moins qu’il s’agisse du baiser de la mort, une image qui paraît plus adaptée. A moins qu’il s’agisse d’une nouvelle version du coup de poignard dans le dos après une accolade trop démonstrative. Une chose est sûre : personne n’est dupe.
Après la sortie du numéro 1 des « best of » des déclarations du ministre, on se permettra de lui conseiller de ne pas sortir un numéro 2 (un peu de pudeur ne nuit jamais…) ou bien, mieux encore, de mettre ces mots en adéquation avec les actes. Chiche ?!