Le Ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, a déclaré le 3 février dans une interview vouloir envoyer « à tous les Français le coût réel des services publics qu’ils ont utilisés, sous la forme d’une simulation personnalisée ».

Avec cette annonce, on relèvera que le gouvernement tente notamment de contourner le débat sur le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune et, plus largement, d’une réforme fiscale dont il ne veut pas puisqu’il a annoncé qu’il ne reviendrait pas sur ses choix.

Sur le fond, s’il sera difficile d’estimer véritablement ce coût de manière individualisée (comment estimer avec précision la durée d’utilisation des réseaux de transports publics, de la sécurité publique, etc ?), cette annonce appelle plusieurs remarques.

Tout d’abord, mettre les « prélèvements obligatoires » (voir notre note du 28 novembre 2018) au regard de ce qu’ils financent, est indispensable pour comprendre les enjeux et, plus largement, de quoi l’on parle en matière de recettes et de dépenses publiques. En effet, il faut rappeler que tous les prélèvements ont une contrepartie : services publics gratuits ou quasi-gratuits, redistribution sociale (les prestations sociales monétaires représentent un tiers du revenu des français), aides publiques… Les recettes publiques ne disparaissent pas dans un trou noir, elles sont réinjectées et jouent un rôle économique et social vital.

Notre organisation communique régulièrement en ce sens : sans impôt, il n’y pas de vie en société ni de service public. A titre d’exemple, il serait impossible à la grande majorité des parents de financer 6 520 euros pour envoyer un enfant à l’école primaire (source : Regards sur l’éducation, indicateurs de l’OCDE, 2018).

Faire de la pédagogie sur la contrepartie des prélèvements est donc nécessaire et doit également s’accompagner d'une comparaison internationale honnête en matière de recettes et de dépenses publiques. En effet, la couverture en services publics et sécurité sociale est inférieure dans les pays où le taux de prélèvements obligatoires est inférieur. On ne peut ainsi laisser croire qu'il est possible de payer moins pour avoir la même couverture. En effet, dans la plupart des autres pays, pour avoir une retraite, un remboursement des dépenses de santé ou scolariser tôt son enfant, il faut payer des prestataires du secteur privé (fonds de pension, assurance santé, système de garde privé). Les exemples pourraient se multiplier.

Il est en revanche légitime de s'interroger sur le sens réel de l’opération du gouvernement, lorsqu’on sait que celui-ci a d’ores et déjà annoncé qu’il diminuerait les ressources publiques et qu’il déstructurerait le service public et la fonction publique. Après avoir annoncé en 2019 qu'il reprendrait à son compte les orientations du comité action publique 2022, Gérald Damarnin déclarait ainsi le 14 janvier ; « Je suis favorable aux baisses d’impôts. Mais si on choisit de baisser les impôts, il faudra qu’on baisse les dépenses. Et si on baisse les dépenses, il faudra dire où… ». Il confirmait ainsi sa volonté de réduire les moyens de l’action publique, alors que celle-ci est déjà mal en point.

Compte tenu des choix gouvernementaux en matière de fiscalité et de service public, et malgré les propos de Gérald Darmanin, il y a tout lieu de craindre que cette opération ne poursuive un autre but que celui officiellement annoncé : pointer le coût des services publics, en omettant de préciser les conséquences financières et sociales de leur privatisation et/ou de leur abandon…