Un rapport parlementaire sur la délinquance financière dénonce ce que nous savions…

Pour inquiétant qu’il soit, la sortie du rapport des députés Ugo Bernalicis et Jacques Maire sur la délinquance financière ne fait en réalité que confirmer ce que de nombreux spécialistes et observateurs avertis savaient déjà. La délinquance financière sous toutes ses formes connaît une progression particulièrement préoccupante.

Parmi les raisons qui expliquent cette situation alarmante figurent la déréglementation et la faiblesse du contrôle. A l’évidence, sans un cadre adapté, la rapidité et la facilitation des échanges, l’ingénierie financière et fiscale, l’ouverture des économies ou encore la concurrence économique globale (financière, fiscale, sociale) facilitent la délinquance en col blanc.

Les auteurs du rapport ont ainsi noté que les mesures prises récemment «n’ont permis de s’attaquer qu’à la partie émergée de l’iceberg». Dans un contexte marqué par un très fort désir de justice sociale, les députés ont également rappelé que la lutte contre la délinquance financière était une priorité absolue et ont mis en garde les pouvoirs publics : «l’impunité réelle ou supposée des délinquants en col blanc tend à discréditer l’idée de justice».

En matière de fraude fiscale, outre que le rapport rappelle l’évaluation de notre organisation (80 à 100 milliards d’euros), il pointe la baisse des moyens alloués au contrôle fiscal et aux services publics engagés dans la lutte contre la délinquance financière. A titre d’exemple, les services de la DGFiP en charge du contrôle fiscal ont vu leur effectif baisser de plus de 3000 postes depuis le milieu des années 2000. Nous ne cessons pour notre part d’alerter l’opinion et les pouvoirs sur cet affaiblissement inquiétant (voir notre rapport de septembre 2018 sur la baisse des contrôles fiscaux) et sur l’insuffisance des mesures prises.

Sourd à ces demandes, le gouvernement veut poursuivre sur cette voie et accélérer en réduisant les effectifs et la présence du contrôle fiscal (réduction des délais d’intervention sur place, montée en puissance de l’accompagnement des entreprises, procédures à distance ne permettant pas de pousser les investigations…). La création d’une « police fiscale » ne permettra pas de rééquilibrer cette tendance lourde à l’affaiblissement du contrôle fiscal. Pire, dans les travaux du comité « action publique 2022 », serait envisagé une agence « fourre-tout » regroupant divers services de contrôle. Or, chacun d’eux obéissant à des dispositions législatives et des procédures spécifiques (ce qui est parfaitement légitime vu la complexité et la diversité des enjeux), une telle structure serait totalement contre-productive en termes de lutte contre la délinquance et ne pourrait même que la favoriser. Il est donc vital d’organiser le renforcement des services existants tout en favorisant leurs échanges. Au niveau supra-national, il est également nécessaire de passer à la vitesse supérieure et d’envisager une procédure européenne en matière de contrôle.

Dans son rapport de mars 2017 sur l’impunité fiscale, notre organisation avait dressé un bilan des mesures prises en matière de lutte contre la fraude fiscale et formulait des propositions. Celles-ci consistent à renforcer les moyens humains, juridiques et organisationnels du contrôle fiscal. Le tout, en organisant des échanges d’informations efficaces afin que les services de l’Etat puissent disposer de toutes les données nécessaires à leur action. Plus que jamais, il y a urgence à mettre ces dispositions (voir en annexe) en œuvre.

Annexe : nos préconisations pour en finir avec l'impunité fiscale