Gabriel Attal, Premier Ministre et ancien ministre délégué chargé des Comptes Publics et Thomas Cazenave, actuel ministre délégué chargé des Comptes Publics ont présenté ce mercredi 20 mars 2024 le bilan du plan de lutte contre les fraudes sociales, fiscales et douanières.

Après une présentation tonitruante du plan fraude en mai 2023, voici venir le temps du premier bilan... 10 mois seulement après l’annonce des mesures!

En principe annuels, les résultats du contrôle fiscal ne peuvent provenir de mesures prises en cours d’année. Et c’est d’autant plus vrai que nombres de mesures ont nécessité l’adoption de textes législatifs ou demandé des adaptations et/ou réorganisations dans les services concernés.

Cette énième opération de communication, puérile et frétillante, relève plus du point d’étape que du bilan !

De la même manière, qualifier de record historique les 15,2 Mds d’euros de mises en recouvrement est une nouvelle fanfaronnade gouvernementale. C’est oublier les 16,1 Mds de 2018 (avant la Covid) ou les 21,2 Mds de 2015.

Pour Solidaires Finances Publiques, une analyse sérieuse des résultats du contrôle fiscal nécessite l’examen d’un ensemble de paramètres (données économiques, taux de couverture du tissu fiscal, procédures de CF utilisées, effectifs…)

Il est illusoire de penser que les quelques mesures effectives du plan fraude de Gabriel Attal aient pu produire un effet aussi immédiat.

Pour preuve, parmi les 42 mesures annoncées, seules 20 sont cochées comme réalisées.

Mais là aussi, le bât blesse !

Ainsi, si le décret portant sur la transformation du Service d’Enquêtes Judiciaires Fiscales (SEJF) en Office Nationale Anti-Fraude (ONAF) est publié, ce seul changement de nom n’acte pas le doublement des effectifs annoncé pour passer de 40 à 80 (alors que depuis sa création le nombre de 40 agents n’a jamais été atteint) et ne lui donne pas les moyens nécessaires au bon fonctionnement d’un office. Thomas Cazenave en parle cependant comme le « bras armé » en matière d’enquêtes et de poursuites judiciaires.

Le Comité d’Évaluation des Fraudes (CEF) a certes été créé et sa composition arrêtée. Mais pour l’heure rien ne transpire de ses travaux ou réunions trimestrielles (soit à peine 2 réunions). En revanche, sa composition a d’ores et déjà évolué avec les départs des numéros 1 de la DGFIP et de la Douane.

La question des effectifs du contrôle fiscal demeure tout aussi prégnante. Après plusieurs années de suppressions de postes dans la sphère du contrôle fiscal, Gabriel Attal avait dans un élan de générosité parlé de créations d’emploi. Au final, l’opération se solde essentiellement par du redéploiement ou transfert d’emploi, au détriment des services de gestion des entreprises et des particuliers. La promesse de cesser les suppressions d’emplois à la DGFIP semble à nouveau bien compromise et risque d’être à nouveau sacrifiée sur l’autel de l’austérité budgétaire annoncée par Bruno Le Maire.

Alors, il reste le fantasme des outils de data-science pour traquer la fraude fiscale. Sur ce point aussi, il faut raison garder. Pour l’heure, les résultats du contrôle fiscal reposent principalement sur la qualité des travaux de programmation d’initiative et d’analyse des agents et agentes de la DGFiP. Et pour preuve, si en 2022, 52 % des contrôles des entreprises ont été engagés suite à la programmation par IA, les droits et pénalités mis en recouvrement auprès des contribuables sur des dossiers ciblés par l'IA les années passées représentaient seulement 13.6 % du recouvrement !

Pour Solidaires Finances Publiques, mettre sur un même plan la lutte contre la fraude aux cotisations sociales des employeurs (estimée à environ 10Mds d’euros), la fraude aux prestations sociales (estimée à environ 2Mds d’euros) et la lutte contre la fraude fiscale (80 à 100 Mds d’euros) en dit long sur les choix politiques actuels et ne peut que renforcer le sentiment d’injustice fiscale et sociale.

Pour Solidaires Finances Publiques, la question de la lutte contre la fraude fiscale et du poids qu’elle représente sur nos finances publiques mérite mieux qu’un état d’agitation perpétuel.