L'information selon laquelle Airbnb paie un faible montant d’impôt sur les sociétés en France n'a malheureusement pas de quoi surprendre. A l'instar des autres acteurs de l'économie numérique, cette entreprise bénéfice de la concurrence fiscale mais aussi des lacunes du droit fiscal qui, demeurant inadapté à l'économie numérique, offre de larges possibilités de contournement.
Un bénéfice généré par une activité sur un territoire doit en principe être imposé sur ledit territoire. Or, l'économie numérique a profondément remodelé voire déstructuré l’activité économique en opérant de profondes modifications dans le travail et la source de création de valeur. Elle parvient, par sa nature souple et mobile mais aussi par des schémas d’optimisation fiscale agressive, à échapper à l'impôt sur les sociétés des États dans lesquels elle exerce son activité. Et ce, parfois au prix d'une légalité apparente douteuse : des « affaires » ont montré que des entreprises combinent optimisation et fraude fiscales lorsque les bénéfices, imposés dans des pays comme l'Irlande, sont par ailleurs transférés artificiellement vers plusieurs paradis fiscaux. Cette optimisation agressive joue avec les limites de la légalité et représente une perte de 40 à 60 milliards d’euros : une partie légale mais illégitime provient des failles juridiques, l’autre est illégale et relève de la fraude (qui représente tous impôts confondus 60 à 80 milliards d’euros par an)1.
Les travaux menés tant au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) que par les institutions françaises (au travers de plusieurs rapports : Sénat, France Stratégie, Inspection générale des Finances) ont posé un constat solide et livré des propositions intéressantes. Celles-ci doivent désormais être rapidement mises en œuvre.
Pour Solidaires Finances Publiques qui s'est déjà exprimé sur le sujet dans son rapport de mars 2017 consacré à la lutte contre la fraude fiscale, il faut mener une stratégie à la fois nationale et internationale. Cela passe notamment par :
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adapter la notion d'établissement stable à l'économie numérique afin d'imposer les bénéfices dans les pays où ils sont générés et non dans le pays où ils sont transférés,
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instaurer un système de « retenue à la source » au plan national pour éviter de trop grandes pertes dues aux transferts de bénéfices et poursuivre la réflexion sur la taxation de la publicité en ligne et de la détention de données,
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accroître la transparence et l’information de l’administration fiscale sur la déclaration des activités effectivement réalisées et la coopération entre États,
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neutraliser la concurrence fiscale en instaurant un serpent fiscal européen2 qui réduirait les écarts entre les système fiscaux et permettrait une harmonisation fiscale en déterminant une assiette commune consolidée à l'impôt sur les sociétés, assortie d’un taux « plancher » pour éviter une concurrence à la baisse des taux. Ce « serpent fiscal » permettrait également : de déterminer des règles véritablement harmonisées en matière de TVA, d'organiser une coopération contre l'évitement de l'impôt, de revaloriser le budget européen pour financer des investissements écologiques, sociaux et économiques, etc.
2Voir nos livres, Pour un serpent fiscal européen, Éditions Syllepse, 2005 et Quelle Europe fiscale ?, Éditions Syllepse, 2008.