Dans ses « Statistiques des recettes publiques, édition 2017 », l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dresse un panorama de l’ensemble des recettes publiques (impôts et prélèvements sociaux). L’OCDE revient sur l’évolution de l’impôt sur les sociétés (IS), très instructive, dans un communiqué du 5 septembre 2018 (1).

Il en ressort que le taux moyen de l’IS a baissé : il est passé de 32,5 % en 2000 à 23,9 % 2016, soit une chute spectaculaire. Si le taux moyen n’enseigne cependant pas grand-chose puisqu’il ne tient pas compte des différences entre les assiettes, sa baisse est cependant symptomatique de la concurrence fiscale. Celle-ci se confirme d’ailleurs dans l’analyse du ratio entre l’IS et le produit intérieur brut (PIB). En moyenne dans l’OCDE, l’IS représentait 3,25 % du PIB en 2000 mais seulement 2,8 % en 2016. Que l’on prenne le taux ou le poids dans la richesse nationale, un constat s’impose : l’IS baisse bel et bien.

Ce mouvement s’observe aussi en France avec une particularité. Si l’IS affichait jusqu’ici un taux relativement plus élevé que celui des autres pays (ce qui est souvent mis en avant dans le débat public), le poids de l’IS rapporté au PIB est en réalité plus faible qu’on ne l’entend fréquemment. Il est en effet passé de 2,98 % en 2000 à 2,09 % en 2016. Autrement dit, il est constamment inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE. Cette situation a priori paradoxale s’explique en réalité aisément : l’assiette de l’IS est étroite du fait des régimes dérogatoires et des crédits d’impôts qu’elle comporte.

Ceci n’a pas empêché Emmanuel Macron d’engager une baisse du taux nominal de l’IS qui devrait ainsi atteindre 25 % en 2022. Avec certes la suppression du crédit d’impôt compétitivité emploi qui sera cependant compensé par une baisse des cotisations sociales. Mais sans véritablement élargir l’assiette. La contribution des sociétés aux recettes publiques poursuivra donc globalement sa baisse...

Pour l’OCDE, cette course au moins-disant doit être relativisée : plus qu’une course à la baisse, elle ne serait qu’un alignement de chacun des pays sur la moyenne (2)... Pour des spécialistes de la fiscalité et des statistiques, l’argument a pour le moins de quoi surprendre : certains pays, comme la France et les États-Unis, baissent leur taux d’impôt sur les sociétés. Par conséquent, la moyenne ne peut mathématiquement que baisser ! Ce qui peut entraîner une nouvelle convergence sans fin vers une moyenne qui elle-même ne cesse de baisser, etc.

Et faute d’harmonisation au niveau européen et de règles claires permettant aux États d’imposer la richesse là ou elle est générée (afin d‘éviter les fuites de bases imposables, par exemple en matière d’économie numérique ou de prix de transfert etc), le cercle infernal de la concurrence fiscale pourrait bien se poursuivre… Doit-on imaginer un IS à 15 % demain (3) voire, à plus long terme, un IS à taux « 0 » à terme ?

(1) Communiqué de l’OCDE du 5 septembre 2018 « Les réformes fiscales s'accélèrent sur fond de baisse des taux d'imposition des sociétés ».
(2) Pour Pascal Saint-Amans, Directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE, « Ces baisses d'impôt sur les sociétés ont suscité des craintes de "course au moins-disant", mais la plupart de ces pays semblent engagés en fait dans une "course à la moyenne", sachant que leurs récentes baisses de taux de l'impôt sur les sociétés les placent aujourd'hui en milieu de tableau.»
(3) Voir notre article du 25 octobre 2017 intitulé, Vers un taux de l’impôt sur les sociétés à 15 % ?