Mélangeant tout, dépenses de l’État, dépenses des collectivités locales et dépenses sociales, le discours néo-libéral et gouvernemental martèle que l’État coûte trop cher en France. Disons-le d’emblée : statistiquement, rien n’est plus faux !

Avant d’entrer dans le détail, on rappellera ici que dans les comparaisons internationales (notamment celles de l’Organisation de coopération et de développement économiques) les dépenses publiques se décomposent en 4 blocs : les dépenses de l’État proprement dites (les administrations publiques centrales, APUC, dans le jargon budgétaire), les dépenses des organismes divers d’administration centrale (ODAC), les administrations publiques locales (APUL) et administrations de sécurité sociale (ASSO).

Ces « blocs » se retrouvent dans les comparaisons internationales. Pour les analyser, il faut cependant tenir compte des spécificités institutionnelles des différents pays. A titre d’exemple, au Royaume-Uni, le système national de santé est compris dans les dépenses de l’État (elles représentent 37,4 % du PIB). De même, en Allemagne, les APUC ne représentent que 12,5 % du PIB sur un total des dépenses publiques de 43,8 % puisque dans cet état fédéral les dépenses des APUL y sont élevées.

L’État ? 23,2 % du PIB en France, 24,9 % en Europe !

Globalement, le niveau des dépenses publiques (APUC+ODAC+APUL+ASSO) est certes élevé en France, mais pour une raison simple : le pays a fait le choix d’une sécurité sociale au bénéfice de toutes et tous, prise en charge collectivement. Dans d’autres pays, le système de sécurité sociale est organisé différemment, soit par des prises en charge renvoyées largement à l’individu (fonds de pension, assurances privées) soit par des accords de branche différenciés... Dans ces (nombreux) pays, ces dépenses ne sont pas comptabilisées dans les dépenses publiques. Et symétriquement, les recettes ne sont pas comptabilisées comme des prélèvements obligatoires. Selon les choix politiques qui déterminent la place des services publics et de la protection sociale, la part « publique » des dépenses et des recettes est plus ou moins élevée : plus cette part est faible et plus la part des dépenses privées est élevée, l’inverse étant également vrai.

Si l’on distingue les dépenses de l’État proprement dites, il faut additionner les APUC et les ODAC. En France, ce total représente 23,2 % du produit intérieur brut (PIB) en 2017. Or, la moyenne de l’Union européenne s’élève à 24,9 % (dont, notamment, 26,7 % en Belgique, 37,7 % au Danemark, 31,1 % au Luxembourg ou 28,8 % en Italie).

Après des années de pression sur les dépenses, les marges de manœuvre pour réaliser des économies sans toucher au périmètre et à la capacité d’action de l’État sont très réduites. Dans un tel contexte, et vu l’évolution des besoins, il n’est désormais plus possible de réduire les dépenses de l’État sans l’amputer de missions aussi vitales pour la vie en société que l’éducation, la sécurité, la lutte contre les fraudes économiques, la justice, la santé et tant d’autres… Il en va de même des dépenses des collectivités locales, déjà sous contrainte avec les effets cumulés de la baisse des dotations globales de fonctionnement et de celle de la taxe d’habitation.

Réduire les dépenses sociales, c’est réduire le pouvoir d’achat...

Réduire les autres dépenses publiques consisterait donc à réduire les dépenses sociales. Mais cela voudrait dire baisser un peu plus le revenu et le pouvoir d’achat des ménages : réduire les dépenses sociales, c’est en effet réduire les dépenses de retraite, le remboursement des dépenses de santé, l’indemnisation du chômage ou encore les prestations familiales. Or, les dépenses sociales représentent un tiers du revenu global des ménages.

Pire, cela aurait pour conséquences de transférer une part de la couverture assurée par la protection sociale vers le secteur marchand (fonds de pension, assurances privées). Or, privatiser tout ou partie de la protection sociale ne coûterait pas moins cher à l’économie : il faudrait toujours payer la couverture sociale « privée ». Les ménages qui en ont la capacité paieraient leur couverture et le bénéfice des assurances et fonds de pension par exemple, mais ceux qui ne le pourraient pas seraient moins « couverts » qu’actuellement. Avec une explosion des inégalités et de la précarité à la clef.

Rééquilibrer les termes du « grand débat »...

Ces évidences sont totalement occultées par le gouvernement et les documents qu’il met à disposition du « grand débat ». Celui-ci est délibérément orienté vers la baisse des dépenses publiques. Un récent sondage montrait que les personnes interrogées ne voulaient pas réduire les dépenses sociales. Il faudrait cependant mieux éclairer le débat pour en finir avec la confusion ambiante et montrer qu’au-delà de la sphère sociale, les dépenses de l’État ne sont pas aussi élevées qu’on l'entend trop souvent. Les baisser encore aura immanquablement des conséquences en termes d’aggravation de la dégradation des services publics et donc, des conséquences économiques, écologiques et sociales particulièrement néfastes.