Tribune. Alors que l'Assemblée générale des Nations unies convoque ce jeudi un «Dialogue de haut niveau sur le financement du développement», dix organisations alertent sur les enjeux de la dette et les risques liés à l'évasion fiscale des multinationales.
La rencontre de haut niveau consacrée au financement du développement et aux enjeux économiques sera-t-elle la grande oubliée de la semaine de sommets à l’ONU ? Alors que de nombreux et nombreuses chef·fes d’État vont probablement vouloir se mettre en avant en promettant de lutter contre les dérèglements climatiques ou mettre en place les politiques publiques nécessaires à l’atteinte des objectifs du développement durable, seront-ils et elles également présent·es et engagé·es pour modifier le système économique et financier international et dégager les moyens nécessaires à la mise en œuvre de leurs promesses ?
Les États ont besoin de ressources, alors que le remboursement des dettes menace directement la capacité de nombreux pays à assurer le financement de leurs services publics, et les pratiques d’évasion fiscale des multinationales frappent plus durement encore les pays en développement. Pourtant, ces enjeux risquent fort de demeurer les parents pauvres des discussions à l’ONU où sont réunis la plupart des états du monde.
La crise de la dette des années 1980 avait frappé des États d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie, engendrant ainsi une «décennie perdue» pour le développement de ces pays. Trente ans plus tard, les niveaux d’endettement explosent à nouveau dans les pays pauvres : la dette extérieure publique des pays en développement a doublé entre 2000 et 2017, d’après le FMI. Dans le même temps, les multinationales pratiquent l’évasion fiscale de façon industrielle et les pays du Sud en sont les premières victimes. Elles paient moins d’impôts qu’avant la crise de 2008. D’après l’économiste Gabriel Zucman, jusqu’à 40% de leurs bénéfices sont localisés dans les paradis fiscaux.
Besoin de restructuration des dettes
Le dernier grand sommet sur le financement du développement d’Addis Abeba en 2015, quelques mois avant la COP 21 et l’Accord de Paris, devait permettre de répondre à ces enjeux. Malheureusement, les pays les plus riches du monde avaient refusé que des solutions structurelles soient discutées et adoptées dans le cadre onusien, préférant conserver le pouvoir détenu au sein d’espaces restreints comme le Club de Paris ou l’OCDE. Ce refus d’espaces universels et inclusifs s’est accompagné d’un appel inconditionnel au secteur privé pour financer les enjeux cruciaux de nos sociétés, sans garde-fou ou encadrement assurant le respect des droits humains et de l’environnement.
Aujourd’hui, les appels à un mécanisme international indépendant de restructuration des dettes se multiplient. Cela permettrait de résoudre les situations de crise en reconnaissant la co-responsabilité des emprunteurs et des créanciers, la primauté des droits humains, et de combler cette vieille lacune dans l’architecture financière internationale, à laquelle le Club de Paris n’a pas su apporter de réponse. La création d’un organisme intergouvernemental sur les questions fiscales, qui avait tenu en haleine les négociations jusqu’à la toute fin 2015, est toujours demandée par de nombreux États du Sud, alors que les négociations sur les règles fiscales en cours à l’OCDE risquent de traiter une partie minime du problème et de favoriser une nouvelle fois les intérêts des seuls pays riches.
Les crises environnementales et sociales sont de plus en plus dramatiques : les pays riches comme la France ne peuvent plus s’accaparer les espaces de décisions sur les enjeux économiques. Sous couvert d’efficacité et de technicité, ils privent la plupart des pays du monde de la possibilité de traiter des enjeux qui les concernent directement. Cela pourrait entraîner la multiplication d’initiatives concurrentes de la part des pays exclus, alors que les défis majeurs de notre planète nécessitent une convergence et une ambition universelles.
SIGNATAIRES : - CCFD-Terre Solidaire - Attac - Oxfam France - Survie - Sherpa - Anticor - Solidaires finances publiques - Crid - OCTFI (Observatoire citoyen pour la transparence financière internationale) - Réseau foi et justice Afrique Europe.