Le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR) sera discuté à l’Assemblée nationale dans quelques jours, dans un contexte particulièrement dégradé et à l’évolution incertaine. Les nombreuses incertitudes liées : aux conséquences de la crise, à l’évolution de la consommation et de l’activité économique ou encore aux effets des mesures de soutien, font de ce troisième PLFR un point d’étape révélateur de la dégradation plus qu’un outil de prévision fiable.

Au-delà des mesures qu’il contient en termes de dépenses publiques, les principales prévisions de ce PLFR pour 2020 sont celles portant sur la récession (-11 % du produit intérieur brut, PIB), le déficit public (qui représenterait 11,4 % du PIB en 2020), la dette publique (qui atteindrait 120,9 % du PIB cette année) et l’évolution du chômage (avec 800 000 destructions d’emplois prévues). D’autres prévisions font par ailleurs état de 100 000 défaillances d’entreprises, soit beaucoup plus qu’en 2009 (près de 62 000). Et selon la Banque de France, le chômage atteindrait un pic de 11,5 % en 2021 contre 8,1 % en décembre 2019.

Cette crise est mondiale, au point que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) préconise de "renforcer les systèmes de santé" et demande aux gouvernements la mise en place de systèmes économiques "plus justes et plus durables". La France ne fait donc pas exception : la récession s’annonce comparable en Grande-Bretagne et en Italie, tandis qu’au plan mondial, le recul de l’économie pourrait atteindre voire dépasser 6 %. Il s’agit de la pire crise depuis 100 ans. Jamais en temps de paix des prévisions n’ont été aussi alarmistes. Elles résument à elles seules l’ampleur du choc et l’absolue nécessité de protéger et de soutenir la population sur tous les plans.

Dans un tel contexte, le principal danger est la mise en œuvre de politiques austéritaires qui contribueraient à aggraver durablement et profondément la situation. Pour éviter ceci, la question de la dette et des politiques budgétaires est posée.

Le jeudi 4 juin, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé un plan d’achat de dettes de 600 milliards d’euros qui viennent s’ajouter aux 750 milliards d’euros annoncés en mars dernier (plan pandémie) et aux 300 milliards annoncés précédemment (programme PSPP). Quoique l’on pense de ces mesures, il reste que l’intervention massive des banques centrales, y compris aux États-Unis, est inédite. De fait, elle modifie sensiblement la donne et nourrit le débat sur le traitement de la dette (annulation, dette perpétuelle, restructuration…), les politiques budgétaires et les choix fiscaux. Ceci, dans un contexte de refus aveugle du gouvernement de procéder à une réforme fiscale. Le gouvernement ne veut pas augmenter les impôts, il ne veut pas non plus les réorganiser : les injustice fiscales et les mécontentements qu’elles génèrent vont donc perdurer. Une très mauvaise façon d’aborder le « monde d’après »...

Pour Solidaires Finances Publiques, qui a livré ses propositions en matière en fiscalité, l’objectif majeur est d’éviter l’austérité et de tout faire pour que la gestion de la dette n’empêche pas la mise en œuvre durable de choix faisant une priorité de la prise en charge des besoins (sanitaires, économiques, sociaux et environnementaux), de la réduction des inégalités, de la coopération et de la neutralisation de la concurrence fiscale et sociale. En outre, dans les priorités du « vivre ensemble », le renforcement des services publics et de la protection sociale s’impose.

Et s’agissant de la Direction générale des Finances publiques, qui a connu de trop nombreuses restructurations et suppressions d’emplois, l’urgence est de stopper son affaiblissement et son démembrement : renseigner le public, conseiller les collectivités locales et les entreprises, combattre la fraude fiscale, assurer les missions foncières et cadastrales sont autant d’enjeux qui doivent être garantis pour assurer une action publique juste et efficace.

Sur l’ensemble de ces enjeux, la prochaine loi de finances 2021 sera révélatrice.