La COVID-19 est le plus terrible des professeurs. Sa leçon est aussi effroyable qu’implacable. En quelques mots, cette crise vient de rappeler à tout un chacun ce qui est important – « vital » serait peut-être plus juste ...- et ce qui fait société.

Ainsi, sont revenus au goût du jour :

  •  l’intervention publique, depuis la santé jusqu’à l’économie ;
  •  la protection ;
  •  la régulation ;
  •  et le sens du collectif à titre général.

En clair, ce pourquoi nous nous battons au quotidien est en quelque sorte la seule voie possible, si on veut éviter une déstructuration lente, mais qu’un germe microbien peut rendre rapide. C’est en quelque sorte une victoire pour nous. Mais les temps que traversent nos sociétés (et un minimum de décence) nous interdisent tout triomphalisme. A l’inverse, nous invitons tous les indécrottables pourfendeurs de l’Action Publique à observer une réserve de bon aloi. A défaut, on pourrait les inviter à aller roder leurs théories dans n’importe quel service de réanimation de France ou de Navarre.

A Bercy, certes, on ne soigne pas. En tout cas, pas avec une blouse blanche. Mais notre Ministère, dans toutes ses composantes, n’en est pas moins au coeur de la bataille qui fait rage. De la relance au financement de l’Action publique, du suivi des échanges à l’action de contrôle en passant par tous les voies et moyens (ils sont divers !) de veiller à ce que le système ne s’effondre pas, les agent.es de ce Ministère sont là.
Ce constat-là fait peser sur vous une double responsabilité :

  • Arrêter le jeu de massacre dont les services de Bercy sont, année après année, les champions toutes catégories. Et au contraire, reconnaître l’engagement des agent.es, au-delà de cette période de crise.
  • Tracer, pour les mêmes, de réelles perspectives, au-delà de discours qui ne convainquent plus les agent.es.
  • De même, il nous semble impératif de sortir de la valse sans fin des restructurations, qui ne laissent qu’une impression à nos collègues : celle d’un avenir où ils et elles n’ont pas leur place.

Exagération syndicale enfiévrée ? Regardez donc les dernières livraisons de l’Observation social pour lequel le Secrétariat Général en est même réduit à devoir faire plusieurs relances pour solliciter des réponses. Le détail est révélateur ...Dans l’immédiat, nous vous demandons aussi de sortir des sentiers battus face à une crise qui ne nous laisse pas d’autre choix. Si nous avons pu constater une réelle prise en compte des enjeux immédiats de cette crise, par de nombreux autres aspects, l’État s’est révélé affreusement routinier. Face à des temps exceptionnels, les recettes (parfois potions amères ... ) du quotidien ne sont pas de mise.

Nous sommes Formidables, mais...les mots suffisent-ils ?

Bruno Le Maire a enfin pris la parole devant les fédérations des Finances ce mardi 2 février. Nous étions inquiets car nous ne l’avions pas vu ces derniers mois (depuis le changement de gouvernement). Nous étions prêts à guetter une éventuelle séance de dédicace de son livre, pour nous y précipiter afin de relancer le dialogue avec lui...

Comble de malchance : au milieu de son discours, nous avons été lâchés par la technologie et avons subi la fracture numérique (plantage de visioconférence). Pour le « Ministère numérique », cela la fiche mal... Pour les mauvais esprits, n’en déduisez aucune conclusion de fond sur le fait qu’entre les décideurs et le camp syndical, le message a du mal à passer... Quoique.

Par honnêteté (mais aussi par souci de vérité), nous ne reprendrons que les mots d’ouverture du Ministre, qui furent forts. Il a évoqué un Ministère qui, dans la crise sanitaire, a été exceptionnel de réactivité, d’efficacité et de dévouement. Il a utilisé le mot d’exploit, dont les personnels sont les auteurs.

Il a souligné les mérites des directions (DGFIP, DGDDI ...), avec un petit clin d’oeil à la DGCCRF pour laquelle il continue de penser que l’organisation pourrait être améliorée. Mais, pourrions-nous ajouter, sans beaucoup de réussite jusqu’ici.

Sur le point spécifique du télétravail, il a indiqué avoir demandé aux directions d’être intransigeantes sur ce mode de lutte contre la crise sanitaire. Toutefois, il n’a pas caché que, pour lui, ce n’était pas le mode de travail dont on peut rêver dans l’absolu. En tout état de cause, à son sens, le télétravail fera dorénavant partie de l’environnement professionnel, ne serait-ce que par rapport à d’autres crises futures...

Concernant l’avenir, B. Le Maire a bien insisté sur le fait qu’on ne peut arrêter ni « la transformation du Ministère », ni « la reconquête des territoires ». Pour notre part, nous voyons ici les ravages des divergences sémantiques. En effet, derrière « transformation », nous constatons plus souvent destruction des missions, des emplois et du service public . Quant à l’ambitieuse reconquête des territoires, cela a plutôt des accents de maillage territorial bouleversé, synonyme de lendemains incertains pour les « géniaux » précités...

En guise d’autres annonces, il a posé le principe d’un geste pour les promotions des agent.es notamment de catégorie B et C à hauteur de 1% tout en précisant que des marges de manoeuvres pouvaient être dégagées. Pour notre part, nous attendons de savoir si nous sommes dans le registre du réel geste de reconnaissance ou dans le symbolique (devinez vers quelle option nous inclinons ...).

Enfin, il nous a informés que les droits syndicaux 2020 (non utilisés) seraient reportés en 2021. Geste touchant, mais qui ne coûte pas grand-chose...

Olivier Dussopt lui a ensuite fait écho.

Histoire de doucher notre enthousiasme (déjà très modéré...), ce dernier a notamment fait état du désaccord entre les deux parties de la table sur les transferts de mission. Le raccourci lapidaire «circulez, il n’y a rien à voir ! » serait sévère... mais pas forcément totalement inexact.

Si l’on en croit le ministre, nous sommes donc quelque part des super-héros et héroïnes de la Fonction Publique. Fort bien.

Nos structures tiennent dans une tourmente dont l’issue n’est pas connue à ce jour. Aucune raison de ne pas s’en féliciter...

Mais alors, pourquoi diable poursuivre les politiques menées jusqu’à alors ?!!? Cet.te agent.e qui est « super » aux yeux de ses ministres pourrait très bien voir son poste supprimé en 2021, 2022 ou peu après. Voilà une bien étrange définition de la reconnaissance...

Certains symboles sont même fondamentalement douteux. Ainsi, le recrutement de 250 contractuel.les à la DGFIP pour la gestion du plan de relance n’est pas loin de passer pour une grossière faute de goût. En effet, c’est minimiser l’exigence professionnelle. Et, pour mémoire, la DGFIP est l’administration qui perd 1 800 emplois cette année. Cohérence, quand tu nous tiens !

Pour être honnête, nous n’attendions pas fondamentalement d’annonces qui nous auraient spectaculairement - et agréablement ! - surpris. De ce point de vue, nous ne sommes pas déçus.

Nous voulions bien donner acte de l’empathie des ministres. Pour être franc, et par rapport à ce que traverse le pays et donc les agent.es publics, sans vouloir minimiser les mots employés, c’est un peu le minimum attendu.

Ce que nous aurions espéré dans nos espoirs les plus fous, mais aussi avec une certaine logique, c’est un virage réel, après les constats faits depuis le mois de mars 2020.

Cher Bruno, bien sûr que le Service Public est structurant pour notre pays ! Bien évidemment, que les agent.es sont engagé.es dans leurs missions et profondément attaché.es à les accomplir au mieux possible (dès lors qu’on leur en donne les moyens). Reste maintenant à voir quelle politique on met en face de cela. Et sur ce point, le compte n’y est pas.

Enfin, nous insistons sur un point : dans le contexte ambiant et à venir, l’agent .e public ne doit pas devenir le défouloir de ceux et celles qui ne se sentent pas reconnus dans l’actuelle marche des choses. Et, à notre sens, ce risque-là n’est pas du tout une vue de l’esprit