BERCY... c’est joli

Si vous aimez les émissions dédiées à la rénovation intérieure, à l’instar de celles présentées par Stéphane Plaza ou Valérie Damidot (*) (**), vous pouvez être intéressé.e par ce qui suit. Bercy s’est lancé dans l’affaire et avec une certaine maestria.… Si d’aventure, nos carrières et desseins professionnels continuent à être contrariés par des choix libéraux, d’aucuns peuvent trouver ici une perspective de reconversion inattendue...

Revenons à la genèse de l’affaire. Dans un souci louable de valoriser son action et d’envoyer un message positif, le Secrétariat Général a élaboré un très beau dossier avec ses réalisations en termes d’aménagement intérieur. Et, sans flagornerie, chapeau bas ! C’est moderne, c’est chaleureux. On s’y sent si bien que, pour un peu, on viendrait y vivre, à tout le moins y travailler (ah zut, c’est vrai, c’est déjà le cas…).

Simple petit exemple (documenté par le Ministère lui-même) :

Un beau canapé Outline de marque Muuto, présenté devant un décor fleuri un peu d'esthétique nippone, genre zen (excellent pour : (cocher la case utile : entretien d'évaluation - échange un peu tendu avec son/sa chef.fe - annonce d'une (énième) restructuration)).
Or, ce mobilier très tendance paraît-il, avoisne, en prix grand public, les 4 000 € pièce ! Vous n'allez pas dire que l'on se moque de vous, hein ?!?
Cette marque (danoise) a pour message, entre autres "donner à la vie les couleurs du bonheur". Tout un programme pour Bercy...
A priori, c'est de la fabrication européenne, l'honneur est sauf... Mais gare quand-même, à la balance commerciale, en cas de fabrication hors de nos frontières !! Si un ex-locataire du Ministère amateur de marinière, apprend qu'on se fournit ailleurs que dans l'hexagone, il risque de nous faire une syncope...

Bon, allez, on arrête notre vain persiflage et cette vilaine ironie facile. C’est très bien de travailler dans des locaux sympathiques et bien agencés. Et si le Ministère consacre quelques deniers à des décors un peu plus chatoyants, ce n’est pas nous, pauvres syndicalistes au goût esthétique sûrement déplorable, qui allons l’en blâmer. Entendons-nous bien d’ailleurs : il ne s’agit nullement de critiquer les conditions de travail des agent.es des services centraux, qui sont tout simplement nos collègues.

Le problème, c’est que cette « avancée du beau » est très limitée.

En effet, beaucoup d’agent.es, s’ils et elles posent les yeux sur cette publication, puis les lèvent vers leurs propres bureaux et leurs murs d’un gris basique, risquent d’éprouver un léger sentiment de décalage…

En tout état de cause, à côté de certaines réalisations dans les locaux du « vaisseau amiral », bon nombre dans les services de France et de Navarre (et même d’autres implantations bercyennes) risquent de vraiment faire pâle figure...

Nous aimerions bien qu’un tel soin soit aussi réservé au moindre centre des finances de la DGFiP ou à la plus reculée des brigades des Douanes, à titre d’exemple. Quand l’agent.e reçoit un usager dans un local défraîchi ou que le collègue des Douanes utilise le tube d’armement à un mètre de la porte des sanitaires, visiblement nous ne sommes pas dans le même « mood » ou monde si vous préférez…

Même si le cadre de vie a fait quelques récentes apparitions dans le dialogue social, il y a encore un chemin immense à parcourir en la matière.

Mais, si vous avez envie de faire du « home staging » (ça, c’est juste pour faire croire qu’on est méchamment à la page dans les organisations syndicales) et que votre grille indiciaire vous permette de faire vos
choix de déco ailleurs que dans une grande enseigne suédoise un peu connue, n’hésitez pas à recourir à ce qu’on pourrait appeler « Bercy Rénov » (on est tenté de déposer les statuts…) c’est des pros !!!

Bon, on ne vous garantit pas la présence de Bruno, ou de Marie-Anne pour les réunions de chantier. Mais ses équipes seront à la hauteur.

L’affaire a bien évidemment un petit côté « vitrine » assez prononcé, voire un air de « show room » de cette administration moderne, chaleureuse et humaine. Au passage, nous ne sommes pas franchement sûr.es que l’ensemble des agent.es (des services centraux comme celles et ceux de partout ailleurs) voit ces trois adjectifs s’appliquer dans leur quotidien professionnel et là on ne parle pas que d’ameublement…

Mais soudain, une sourde angoisse, issue de nos esprits maladivement inquiets, nous étreint brutalement :

Lorsque le sympathique et multitalentueux Stéphane Plaza jaillit dans le quotidien de Raymond et Isabelle pour décrocher les biches en canevas et améliorer sensiblement leur intérieur, c'est pour que leur "pavillon de banlieue aux nombreuses possibilités" parte à la vente ! Nous espérons que, symboliquement bien sûr, ce n'est pas le funeste projet de l'Etat. Et, au vu des dernières années d'évolution de Bercy, on peut d'ailleurs se demander s'il n'y a pas, quelque part, l'envie inavouée d'apposer le panneau "à vendre - prix à débattre" sur une large partie de nos pauvres administrations. Cette remarque est bien évidemment complètement hors de propos et outrancière... ou pas tout à fait complètement ?

(*)attention les deux manient, parfois, au cours des travaux, la masse de démolition, avec un enthousiasme certain et un plaisir non dissimulé...
(**) toute ressemblance avec une certaine évolution de l’Etat est purement fortuite...

 

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