La CAP nationale de recours contre l'évaluation 2017 pour les contrôleurs 2ème classe s'est tenue le 22 novembre 2018.

Liminaire

Monsieur le Président,

Le Comité interministériel de la transformation publique du 29 octobre est venu confirmer l’ensemble des choix gouvernementaux pour le service public et la Fonction publique. Cette réunion présidée par le premier ministre en présence de tous les membres du gouvernement fut aussi l’occasion de mobiliser les décideurs administratifs à la réussite d’un chantier considéré comme essentiel par l’exécutif.
Pour le premier ministre, les choix opérés seraient en effet générateurs de gains substantiels pour le budget de l’État, permettant une économie de 3 points de PIB. Une façon à peine détournée de rendre responsables les fonctionnaires de la situation économique du pays. A part ça, les pouvoirs publics assurent de leur attachement à la Fonction publique et prétendent «adorer» et respecter les personnels qui la servent. En outre la refondation du service public serait bénéfique tant pour les agentes et les agents que pour les administrés. Chacun appréciera !
L’intérêt des pouvoirs publics réside surtout, s'agissant des personnels, dans la meilleure manière de les faire partir et de les faire bouger ; s'agissant des administré.e.s, de les laisser se débrouiller tous seul.e.s et de les chasser des halls d’accueil pour les cantonner derrière leurs écrans, pour celles et ceux qui en ont un et qui maîtrisent l’utilisation du numérique et de l’informatique. S'agissant des autres, ce seront les maisons de services au public.

Et nous avons atteint le summum avec la déclaration du 1er ministre de la semaine dernière indiquant que lorsque les fonctionnaires seront en arrêt de travail ils pourront télétravailler. Le 1er ministre doit imaginer que les agentes et agents sont en arrêt de travail pour le plaisir…
Que ce soit clair, le télétravail ce n'est pas travailler en regardant la télé ! Si un médecin estime qu'une agente ou un agent n'est pas en capacité de travailler, il ne le sera pas plus à son domicile qu'au bureau.
Il est bien connu qu'un arrêt de travail comme son nom l'indique permet de travailler !!!!! Si l'arrière-pensée du 1er ministre est de trouver des solutions pour limiter les arrêts de travail, certaines réponses peuvent être trouvées par l’amélioration des conditions de vie au travail des agents. Quant à la reconnaissance des efforts d'adaptation, de l'élévation de la technicité notamment en lien avec les impacts du numérique sur le périmètre et le contenu des missions : rien ! Les personnels devront se contenter de… PPCR (parcours professionnels carrière et rémunération), et ses nombreux défauts. Ce n'est pas cher payé !

Solidaires Finances Publiques revendique entre autres :
- la linéarité des carrières pour les catégories C et B par l'instauration d'un grade unique pour chacune de ces catégories,
- un plan ambitieux de transformations de C en B et de B en A,
- la revalorisation et l'intégration de l'intégralité du régime indemnitaire dans le traitement,
- l'augmentation de la valeur du point d'indice et le rattrapage des pertes de pouvoir d'achat,
- la prise en charge par l’État employeur de l'achat de la complémentaire santé,
- une action sociale de haut niveau et qui réponde aux besoins croissants des personnels.

Cela constitue de nombreuses raisons pour l'ensemble de la communauté DGFiP de demeurer mobilisée, à la fois pour stopper l'hémorragie des emplois et des effectifs, le feu roulant des restructurations, pour obtenir des avancées en matière de conditions de travail, mais aussi de rémunérations et de déroulement de carrières. Solidaires Finances Publiques est opposé au Prélèvement à la Source (PAS), pour des raisons de fond. Nous savons aussi que ce système compliquera la vie des contribuables mais aussi celle des agents des Finances Publiques. En outre il sera sans nul doute inefficace voire contre productif en termes de rentrées fiscales. Des situations de sur-prélèvement ne peuvent donner lieu à une procédure de restitution avant le solde, le sur-prélèvement étant dans ce cas restitué en N+1 (donc en 2020) lors du calcul définitif de l'impôt. Sont concernés par ce sur-prélèvement, les contribuables défaillants non imposables. Autrement dit, le contribuable non imposable et qui n'a pas déposé sa déclaration en 2017 et 2018 sera prélevé sur son salaire, ses allocations chômage, ou sa pension de retraite à compter de janvier 2019 sur la base du taux le plus défavorable. Devant cette situation et les « émeutes » possibles dans nos centres des Finances publiques, la Direction Générale et les Directions ont donc trouvé la solution : les agentes et agents doivent saisir dans ILIAD les déclarations des défaillants non imposables (NI) à partir des déclarations pré-remplies (DPR) et sans dépôt de ces déclarations. Ce qui est clairement contraire aux procédures du code général des impôts (CGI) et du livre des procédures fiscales (LPF) et remet en cause un des principes de base de notre système : le système déclaratif.

Si Solidaires Finances Publiques peut comprendre la finalité de l'objectif de cette solution prise, il n'en demeure pas moins qu'il est inacceptable que la Direction Générale couvre des agissements contraires à la loi. D'autant que la Direction Générale a reconnu lors d'une audience avec les Organisations Syndicales représentatives de la DGFiP, le 24 octobre dernier, le caractère illégal de cette décision. Au vu du nombre de défaillants NI, cette décision augmentera la charge de travail (déjà très importante) des agents dans les SIP déjà en pénurie. Combien de temps pourront-ils tenir dans ces conditions ? Au regard de ces différentes problématiques, il est à craindre que la très forte affluence constatée déjà depuis fin août, devienne exponentielle courant janvier dans l'ensemble des services d'accueil de la DGFiP. En effet, soit les contribuables défaillants concernés auront un taux décidé arbitrairement, soit ils recevront un avis d'imposition qui aura été validé sans leur accord, et qui pourrait de fait ne pas refléter l'exactitude de leur situation fiscale et avec un questionnement sur l'impact du contrôle et du contentieux futur sur les dossiers.

Solidaires Finances Publiques tient à rappeler qu'aucun personnel de la DGFiP ne doit être tenu pour responsable d'un quelconque dysfonctionnement au vu de l'investissement de toutes et tous sur le sujet et ne doit subir aucune conséquence sur ses droits à congés. Or, de nouvelles consignes ont été transmises par le directeur général pour demander que le maximum d'agentes et d'agents des services d'accueil physique et des plateformes téléphoniques (CIS, CDC) soient présents à compter de la première semaine de janvier 2019. Concrètement, il est demandé aux collègues de prendre en priorité la semaine de Noël, alors même qu'il s'agit déjà de la semaine la plus fréquemment sollicitée. Il est inacceptable de refuser les congés, alors que les congés prévisionnels ont été validés permettant aux agentes et agents de planifier d'ores et déjà leurs vacances de fin d'année en famille.

D'autre part, le directeur général a imposé :
- la réquisition en renfort des agentes et des agents des CPS sur une plus grande échelle ;
- le recrutement d'une cinquantaine de contractuel.le.s pour venir combler les postes vacants sur les différentes plateformes (CIS, CPS, CDC) sur la base d'une fiche de poste, pour des contrats de 3 mois renouvelables !
- l'acquisition de licences temporaires pour pouvoir transformer des agent.e.s des SIP (aux environ de 200 ?) en agent.e.s auxiliaires des centres d'appels en fonction de la volumétrie des appels ;
- une priorisation des SIP et SIP-SIE sur le prélèvement à la source, avec décalage autant que nécessaire des autres travaux…

Il est contradictoire de recruter aujourd'hui des contractuel.le.s pour pourvoir des postes vacants alors que 2 130 suppressions d'emplois sont imposées à la DGFiP pour 2019 !!

Cette réforme s'effectue dans les pires conditions, « à l'arrache », en toute improvisation, et la DGFiP est prête à tout pour désintoxiquer les guichets et les centres d'appel des flots de questionnements et de problèmes à venir, sans considération pour la maltraitance subie par les collègues quant à leurs conditions de travail.

Dans les Pyrénées-Orientales, les agents et agents qui ont mené des actions fortes depuis plus de 2 ans sont excédés. En sous-effectif chronique (4 agentes sur 8), le service d'accueil de Perpignan doit faire face, depuis fin août, à l'afflux de plus de 1 000 personnes par jour, dans des conditions où les incivilités, les injures et l'exaspération des contribuables sont au sommet. Les agentes et agents, en très grande souffrance, ont fait valoir leur droit de retrait ce qui a conduit la direction à fermer l'accueil au public pendant 3 jours.
Malgré la tenue d'un CHSCT spécial, la couverture par la presse locale, la visite attendue de l'inspection du travail, le directeur n'a apporté que des solutions ponctuelles, non pérennes et loin d'assurer les agentes et agents de sa compréhension face à leurs problèmes, il n'a affiché qu'un mépris total.
Aujourd'hui, les personnels de l'ensemble du site de Perpignan réunis en assemblée générale, en présence de la Direction, ont décidé d'une action de grève reconductible des agentes et agents de l'accueil dès demain. Ils demandent les moyens nécessaires à l'exercice de leurs missions et attendent du CTR emploi du 11 décembre l'arrêt immédiat des suppressions d'emplois.

En Haute-Corse, la situation est également explosive. Depuis octobre, les agentes et agents sont engagés dans un bras de fer avec la direction locale contre le projet d'ASR 2019, qui prévoit notamment le transfert du recouvrement de l'impôt de 8 trésoreries vers les SIP de Bastia et de Corté. Comme d'habitude, la réforme a été décidée malgré le vote unanime de toutes les OS lors du comité technique local du 18/09/2018. Face au refus de la Direction et ce malgré un soutien massif notamment de nombreux élus locaux (vote de motion, de délibérations...), les OS ont procédé au blocage du centre des Finances publiques de Bastia les 06 et 07/11. Un rassemblement avec usagers et élus a eu lieu le 15/11 devant la Direction. Une quarantaine d'élus avaient fait le déplacement. Ce jour-là, les personnels étaient attendus par 8 cars de CRS et la Direction avait été fermée préventivement. Elle a d'ailleurs refusé de recevoir une délégation d'OS et d'élus... D'après la directrice locale, l'ordre avait été donné par le DG : on ne discute pas et on fait donner la troupe !!!!! Dans le monde Jupitérien tout part d'en haut…

L'arrogance affichée par le gouvernement et le mépris opposé aux salariés et à leurs représentants, aux citoyens et aux élus, trouvent une résonance particulièrement inquiétante à la DGFiP.

Ce refus de « parler » aux interlocuteurs légitimes que sont notamment les représentants syndicaux, que d'aucun appelle « corps intermédiaires », a des conséquences graves sur le bon fonctionnement de notre démocratie.
En témoigne le mouvement « gilets jaunes », révélateur à la fois d'une colère sociale importante et d'une défiance obstinée à l'encontre des institutions.
Face à ce mouvement protéiforme et insaisissable, les pouvoirs publics ne savent plus à qui parler faute d'interlocuteurs, et assistent impuissants à des actions isolées, parfois pacifiques, parfois violentes.
En méprisant les relais de proximité (organisations syndicales, élus locaux…), le gouvernement se rend responsable des dérives constatées : aujourd'hui ce sont des établissements publics et notamment ceux de la DGFiP qui deviennent la cible des manifestants.
Si ce mouvement est notamment porteur de nombreuses de nos revendications (augmentation du pouvoir d'achat, baisse des impôts indirects, etc), il est intolérable que des collègues puissent être mis en danger dans l'exercice de leurs missions.

A l'aune de ces événements, comment pouvons-nous penser que le dialogue social est effectif à la DGFiP ?
Gageons que les dernières décisions provocatrices du DG vont rapidement mettre le feu aux poudres sur le reste du territoire.

Concernant plus particulièrement l'ordre du jour de cette CAP, Solidaires Finances Publiques réaffirme son opposition à l'entretien professionnel annuel qui contribue à la perte de repères des agents, et à une remise en cause de leurs compétences et de leur savoir faire.

Pour nous, le système de l’entretien professionnel fondé exclusivement sur une mise en compétition des agents entre eux et sur des notions de productivité et de performance individuelle, organisé dans un cadre contractuel et individualisé, porte atteinte aux valeurs de la Fonction Publique et contribue à la dégradation des conditions de vie au travail des agents.

Nouveauté importante, l'avis de l'évaluateur sur l'aptitude de l'agent à exercer les fonctions du corps supérieur. Il est écrit dans l'instruction que cet avis n'est pas limité aux seuls candidats à la liste d'aptitude et ainsi, la valeur signifiée doit correspondre à l'aptitude nécessaire à ce passage au corps supérieur. Il apparaît que ce dispositif n'a pas toujours été compris, et des évaluateurs ont automatiquement exclu de la valeur 3 les agentes et agents qui ne postulent pas à la liste d'aptitude.
Un rappel sera nécessaire lors de la prochaine campagne et nous y reviendrons lors de cette CAPN.

Lorsque les personnels auront pris la mesure de l'importance de cet aspect de l'évaluation, le nombre de recours va sans nul doute enregistrer une augmentation. Nous saurons expliquer l'importance de l'évolution de ces éléments pour la suite de la carrière des uns et des autres.
De la même manière, les agentes et agents commencent à prendre conscience que le CREP va constituer désormais un élément central dans les nouveaux modes de gestion des personnels, basés sur la manière de servir.

Solidaires Finances Publiques réaffirme son opposition au dispositif du recours hiérarchique obligatoire, qui ne peut décemment être considéré comme une instance de recours.
Nous rappelons que l'autorité hiérarchique intervient déjà dans la procédure d'évaluation pour apposer son visa sur les propositions faites par l'évaluateur et qu'il peut formuler des observations sur la valeur professionnelle des agents. Cet avis ne peut être anodin pour les agentes et agents. Globalement, nous constatons que la majorité des recours hiérarchiques n’ont pas permis de faire évoluer significativement le niveau d’appréciation des agents. Le nombre de recours auprès de l'autorité hiérarchique s'élève à 537 contrôleurs des Finances publiques pour seulement 99 agents ayant obtenu satisfaction totale.

De plus, il apparaît clairement que l'autorité hiérarchique est partie prenante dans certaines directions et vote lors de la CAPL. Alors, quand nous lisons que « seule la connaissance fine (et donc de proximité) de la manière de servir des agents permet de porter une appréciation éclairée sur les recours, pour décider de la suite à leur réserver », que dire ? Hélas, nous constatons depuis déjà plusieurs années que peu de directions locales acceptent de modifier en totalité les CREP et ne souhaitent pas contredire en totalité l'autorité hiérarchique. Ce fait est incontestable à la lecture des recours de cette CAPN.

Le bilan que nous tirons au terme de cette campagne est toujours aussi négatif et chronophage pour les agentes et agents. Il dilue le dialogue social et nuit à la qualité de ce dialogue en créant une interface peu favorable à l’agent. Pour Solidaires Finances Publiques, le recours hiérarchique ne renforce nullement les droits des agentes et agents, il n’apporte pas réellement d’avancées. C’est pourquoi nous demandons purement et simplement la suppression du recours hiérarchique.

Si nous étions enclins au mauvais esprit, nous pourrions imaginer que le recours hiérarchique a été instauré pour plus facilement supprimer les CAPN de recours.

Sur ce sujet, nous réitérons notre opposition totale aux velléités de suppression de recours de 2ème niveau en CAP nationale. Les arguments avancés pour justifier de la suppression : diminution du nombre de recours, possibilité de saisine du TA, sont totalement fallacieux. Supprimer un droit au motif qu'il ne serait exercé que par une moindre population ne répond qu'à une logique comptable et le renvoi des recours au TA démontre une méconnaissance profonde des instances, celui-ci ne statuant jamais sur le fond des évaluations. Il eut mieux valu dire clairement que la tenue des CAPN entravait les projets destructeurs du DG !

Examinons à présent les chiffres communiqués pour cette CAPN de recours en évaluation.

Aussi, si à la suite de la suppression en gestion 2016 des réductions et majorations d'ancienneté pour les contrôleurs des Finances publiques, le nombre de recours a très logiquement diminué, ce nombre repart largement à la hausse lors de l'évaluation 2018 (gestion 2017).

261 contrôleurs ont effectué un recours en CAP locale à ce jour, contre 205 lors de l'année 2017. La CAPN B examinera 76 recours de 2e niveau contre 64 en 2017 et sans comptabiliser le recours de 1er niveau.

Pour Solidaires Finances Publiques, cela discrédite à nouveau l'argumentaire de la direction générale sur la non-utilité des CAPN.

Nous regrettons, encore une fois, qu'à l'issue des CAP locales, seuls 34 recours ont obtenu satisfaction totale, preuve des limites du dialogue social local.

Alors que plus aucune réduction de mois n'est en jeu en CAP locale, l'administration refuse de bouger un profil croix ou des appréciations générales qui ne coûtent rien au budget de l'Etat, ne reconnaissant pas l'importance que revêt, pour les agentes et agents, la reconnaissance de leur investissement et de leur travail.

Nous le constatons au travers des dossiers examinés, les recours qui remontent au national sont révélateurs de souffrance, de sentiment d'injustice, de besoin de reconnaissance, de situations conflictuelles, dans lesquelles les directions peinent à prendre position. C'est bien ce type de dossier qui trouve ses limites au plan local et qui peut trouver une juste résolution en CAPN par l'objectivité, la neutralité et le recul nécessaire dans l'examen de ces situations.

Nous attendons donc un arbitrage favorable du Ministre sur la question du maintien des recours en CAPN.
Auriez-vous, pour une fois, une bonne nouvelle à nous annoncer ?