Une CAP Nationale de catégorie B a été convoquée le 13 décembre 2023 pour examiner un recours suite à un refus d'utilisation du compte personnel de formation.
Liminaire
Madame la Présidente,
Cette CAPN se tient dans un contexte économique et social complexe avec les sujets de pouvoir d’achat, d’évolution de la rémunération, avec la notion de mérite en filigrane, et une nouvelle évolution de la DGFiP avec la déclinaison du Cadre d’objectifs et de moyens pour les années 2023/2027. À ce contexte, à plus d’un titre anxiogène pour les personnels, est venue s’ajouter la gestion du dysfonctionnement de l’application GMBI qui a mené les personnels à assurer un service public dégradé dû à un manque de moyens tant humains que budgétaires, à un manque d’anticipation, mais aussi au dogme du tout numérique de notre administration.
Avec l’envoi des Taxes d’habitation sur les résidences secondaires (THS) et sur les locaux vacants (THLV), ce mauvais feuilleton connaît un nouvel épisode : on ne peut que constater une augmentation importante des visites et des appels à la fois au niveau des Services des Impôts des Particuliers, mais également des centres de contacts. En dehors du fait que cette problématique était largement prévisible au vu du déroulement plus que chaotique de la campagne de l’été dernier, il demeure que ce sont de nouveau les Services des Impôts des Particuliers qui se retrouvent dans la tourmente.
Et ce n’est pas l’annonce de la mise en place d’un dégrèvement d’office pour les mineurs qui ont reçu une THS qui va alléger les tâches, bien au contraire. Loin de la « correction automatique » mise en avant par notre ministre, ce sont bien les agents et agentes des SIP qui vont devoir gérer manuellement tout le processus de dégrèvement des THS envoyées aux enfants mineurs ! La Direction générale a donc transmis une liste à chaque direction, charge aux différents services et donc aux agents et agentes de regarder si l’envoi de la TH était légitime ou non, de prendre contact avec les contribuables, de dégrever et de faire le rôle supplémentaire à la bonne personne si nécessaire…
Bref, une nouvelle fois, et comme cet été, ce sont les agents des Finances Publiques qui vont subir les conséquences des errements et les choix politiques du Gouvernement et de la Direction générale.
Face à cela, et dans un contexte économique et social complexe, comme nous le disions en introduction, la DG a fait le choix, unilatéral, d’octroyer une prime, à la galère ? au mérite ? à tous les agents de SIP et de SDIF pour ce qu’ils ont eu à subir et subissent encore. Cela vaut-il solde de tout compte ? Et doit-on en conclure que pour les 74 000 agents exclus de cette prime, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ?
Que penser du report en janvier 2024 du rendez-vous conclusif sur la revalorisation de l’indemnitaire DGFiP. Rappelons que notre indemnitaire n’a pas connu d’évolution substantielle depuis 2014, tandis que l’inflation cumulée sur la même période s’élève à 18,5 % (IMT et prime de rendement bloquées depuis 2017, valeur du point ACF gelée depuis 2009). Parallèlement, depuis plus de 10 ans, notre administration est le fournisseur officiel des suppressions d’emplois au sein de la Fonction Publique d’État. Dans le même temps, les réformes et restructurations s’enchaînent à un rythme tel que même une pandémie mondiale, capable de freiner l’économie planétaire, ne parvient pas à les ralentir. À quel niveau la DG situe-t-elle la juste reconnaissance des efforts consentis au quotidien ? Autant vous le dire, les premières propositions tenaient plus du mépris que d’autre chose.
Pouvons-nous au moins nous consoler en nous disant que nous sommes toutes et tous heureux au travail ? Concernant le baromètre social, une étude qualitative menée par l'IFOP a été faite, dont les résultats sont parlants et font écho aux résultats de l’observatoire interne et aux alertes que nous faisons depuis trop longtemps. Une fois encore le constat est sans appel :
- perte de confiance en nos dirigeants;
- perte de sens du travail;
- perte de culture commune;
- augmentation de la charge de travail;
- insécurité des agents sur leur avenir professionnel;
- difficultés dans l'exercice des missions;
- mal-être des agents tous grades confondus...
Mais revenons au Cadre d’Objectifs et de Moyens de notre introduction. À défaut de réponses sur le pouvoir d’achat et sur le mal-être au travail, à défaut de bonnes conditions de travail pour l’ensemble des personnels, pouvons-nous au moins avoir un peu de la visibilité qu’est supposé nous apporter ce COM ? Pour Solidaires Finances Publiques, cette exigence est nécessaire pour que chacun et chacune puisse se projeter dans son futur professionnel et retrouve sens dans sa vie professionnelle.
Dans ce contexte morose pour les agents, le compte personnel de formation aurait pu apparaître comme un atout pour eux, leur donnant des moyens d’une évolution professionnelle, dans le public comme dans le privé et posé comme un facteur d’attractivité pour intégrer une administration moderne prenant en compte les aspirations nouvelles des fonctionnaires et favoriser la construction de parcours professionnels diversifiés et enrichissants…
En effet, le CPF mis en place par l’ordonnance de janvier 2017, peut, en théorie, être mobilisé pour toute action de formation ayant pour objet l’acquisition d’un diplôme, d’un titre, d’un certificat de qualification professionnelle ou le développement des compétences, dès lors que ces actions participent à la mise en œuvre d’un projet d’évolution professionnelle de type mobilité, promotion, reconversion.
Sur le papier, c’est formidable, mais la réalité est tout autre. Les conditions, ou les interprétations restrictives qu’en font les directions sont telles que le CPF ne peut quasiment jamais être mis en œuvre, hormis dans le cadre des préparations aux concours.
Si nous n’avons pas les chiffres 2022, les chiffres 2020 et 2021 sont éloquents et indiquent, respectivement, que 93 et 89 % de sa consommation sont utilisés dans le cadre des préparations aux concours de la fonction publique.
Nous sommes bien loin de l’objectif affiché. Pour le reste, force est de constater que la mobilisation du CPF relève du parcours du combattant, et c’est pire encore quand l’agent demande un financement, pourtant prévu par les textes.
Pour Solidaires Finances Publiques,
Il est inacceptable que :
- les agents et agentes ne puissent pas financer le permis de conduire quand les auto-écoles affichent en grand qu’elles acceptent le financement par le CPF,
- les agents et agentes ne puissent pas accéder à des cours de langue quand on sait que l’accueil, qu’il soit écrit, téléphonique ou physique est souvent multilingue,
- un bilan de compétence soit refusé pour absence de crédit quand la demande se fait en janvier,
et cette liste est loin d’être exhaustive…
Pour Solidaires Finances Publiques, ces crédits n’étant pas fléchés et noyés dans la DGF, il est très facile pour une direction de refuser les financements au motif d’absence de crédit. Et même au mois de janvier !
Nous dénonçons également l’obligation imposée par la DGAFP (et donc déclinée à la DGFiP) de mobiliser 5 jours d’un CET (quand il existe) avant de mobiliser le CPF dans le cadre d’une préparation aux concours. Pour Solidaires Finances Publiques, cette obligation est abusive, d’autant plus que les jours placés sur le CET sont des jours de congés et dont l’utilisation est réglementée et la formation ne fait pas partie de son usage !… Nous ne portons pas la même lecture du décret mais la DG s’est engagée à vérifier. Et nous n’avons aucune réponse.
Il est à saluer que des formations aient été déployées pour former les services compétents dans l’analyse des dossiers en local mais, au vu des statistiques, il y a encore une grande marche à gravir ! Il en va de même sur les consignes données aux évaluateurs sur leur obligation d’informer les agents sur leurs droits à CPF au cours de l’entretien d’évaluation : elles sont encore malheureusement trop peu appliquées.
Sauf erreur de notre part, il n’y a pas eu de bilan chiffré après 2021, ce qui ne permet pas de mesurer le nombre de demandes et de refus ces 2 dernières années. Nous sommes très surpris de constater que nous allons examiner en CAPN aujourd’hui le premier et seul refus de CPF toutes catégories confondues pour 2023, alors que les statistiques 2020 et 2021 relevaient un nombre de demandes constant mais une augmentation de 47 % des refus.
Il nous paraît difficile d’imaginer qu’un seul agent ait saisi la CAP Nationale. Nous demandons à avoir communication chaque année d’un bilan chiffré et qualitatif de la mobilisation du CPF à la DGFiP et sur les financements octroyés.
Sur le sujet de la saisine de la CAPN pour les refus individuels de toutes natures, dont les refus de CPF font partie (soit les CAP dites « multithématiques »), nous avons déjà alerté la DG sur l’absence de process permettant aux agents et aux directions d’appréhender les modalités pratiques de saisine et qui, sans aucun doute, freinent les agents dans leurs possibilités de recours. Il y a maintenant urgence à clarifier les circuits, les délais, les modalités. Il est également plus qu’urgent de clarifier quel est le bureau de gestion en charge de la CAP selon l’acte de gestion concerné, tant nous avons la désagréable impression que chaque bureau se défausse sur un autre. Il y a également nécessité que chaque bureau en charge d’un type de dossier anticipe les remontées de dossiers des directions locales en vue des CAP programmées au calendrier.
Il s’agit déjà de la deuxième fois où une CAP multi-thématique, pourtant prévue au calendrier, est décalée, dans un calendrier déjà contraint, car les dossiers ne sont pas remontés en tant et en heure. Pourtant, les dossiers existent puisqu’à chaque fois, ce sont les organisations syndicales qui ont été obligées de signaler l’existence de ces dossiers. Ce mode de fonctionnement n’est pas normal.
Pour conclure, nous attendons que la DGFiP, déjà très en retard sur le CPF, fasse évoluer ce système contraignant, plafonné, sous-utilisé pour que celui-ci constitue un véritable droit à la formation pour les agents, et nous espérons que cette CAP pourra donner satisfaction à la requête présentée par l’agent.
Compte-rendu
La première CAP Nationale de refus de CPF (Compte Personnel de Formation) s’est tenue le 13/12/2023, en deuxième convocation pour examiner la demande d’une contrôleuse des Finances Publiques.
Quelques éléments ont été apportés en séance par la Présidente de la CAP, en réponse aux demandes exprimées dans notre déclaration liminaire.
* Les sujets de politique générale n’ont fait l’objet d’aucun commentaire de la part de la DG, comme il est malheureusement d’usage, et nos propos seront remontés à la haute hiérarchie.
* Sur l’absence de données chiffrées sur les années 2022 et 2023, la Présidente a reconnu du retard dans la communication des bilans qui feront l’objet d’un groupe travail en 2024.
Quelques éléments ont été fournis pour 2022 :
1 193 demandes de mobilisations de CPF ont été acceptées en 2022 contre 1 203 en 2021.
Comme l’année précédente, 89 % des CPF ont été utilisés pour des préparations aux concours. Sur ces 89 % , un peu moins de la moitié des agents l’ont utilisé en s’inscrivant à une préparation, le reste dans le cadre d’une préparation personnelle.
11 % des CPF accordés l’ont été sur d’autres motifs tels que des projets d’évolution professionnelle au sein ou en dehors de la DGFiP, y compris vers le privé. A la marge, des CPF visant un projet personnel tel que la préparation à la retraite ont été accordés. Une analyse plus fine sera réalisée dans le cadre du bilan prévu.
Concernant les CPF pour passer le permis de conduire, l’administration n’est pas dogmatique à les refuser et a fait évoluer son approche. Ainsi, si la demande est faite dans une perspective professionnelle qui nécessite le permis (exemple : vérificateur, géomètre, chauffeur de camion …), elle peut être accordée (1 accord en 2022).
Ces derniers chiffres nous confortent sur les propos tenus dans notre liminaire : il n’est pas normal que le CPF ne soit utilisé in fine que pour les préparations aux concours, la rigidité des conditions excluant un trop grand nombre de projets professionnels.
* Sur l’obligation d’utiliser préalablement 5 jours de CET avant la mobilisation d’un CPF pour une préparation à concours, la présidente a répondu que la DGFiP était contrainte par les dispositions Fonction publique et que seule la DGAFP était décisionnelle sur ce sujet.
* Concernant les chiffres de refus de CPF
Il y a eu 170 refus en 2022 (14 % des demandes) pour 174 refus l’année précédente. Il y a 4 motifs essentiels de refus :
- non respect des dispositions réglementaires,
- formations dispensées par des organismes externes à la DGFiP alors qu’il en existe une en interne,
- défaut de crédits,
- nécessité de service.
La présidente ne partage pas notre analyse sur le faible nombre de recours auprès de la CAP Nationale. Elle estime que s’il n’y a pas de recours, c’est parce que les motivations de refus ont bien été expliquées aux agents par les directions et que ceux-ci acceptent leur refus… Elle admet cependant que les process de saisine de la CAP ne sont pas clairement établis et peu portés à la connaissance des agents. La DG a confirmé travailler sur ce sujet avec le bureau du dialogue social pour clarifier les modalités de saisine et s’est engagée, d’ores et déjà, à préciser aux directions que tout refus doit être impérativement assorti de la communication à l’agent de ses possibilités de recours.
Au final, cette CAP avait à examiner un seul dossier (défendu par une autre OS que Solidaires Finances Publiques), dont le refus a été maintenu.