Liminaire

Monsieur le Président,

Nous sommes dans un temps de l’histoire de notre pays, de notre condition de fonctionnaire et de citoyen, comme dans un temps de l’histoire de notre administration qui est particulièrement grave. Une nouvelle page de l'histoire de la République s'écrit sous nos yeux, dans l'enthousiasme béat de toute une classe qui se réjouit de son accession au pouvoir.

Un moment qualifié d'historique qui devrait, selon ses acteurs, faire disparaître les vieilles fractures, les vieilles divisions, les vieilles postures, les députés godillots qui voteraient, non plus en fonction de leur étiquette politique, mais en fonction de leur intime conviction de représentants élus de la nation, l'intérêt général et celui de leurs mandants chevillés au corps. Et peut-être, qui sait, que dans cet élan, les responsables administratifs emboîteront-ils le pas et marcheront-ils dans les traces de ces députés libérés....

Certains de ces derniers, lors de la précédente mandature, ont essayé...Il ont eu des problèmes !

Derrière cet idyllique scénario, combien d'hypocrisie, de trahisons, d'opportunismes, de renoncements, de tactiques électoralistes ?

Solidaires Finances Publiques est viscéralement attaché à la démocratie, mais aussi aux contre-pouvoirs. Attaché à la démocratie, mais pas servile au point d'en devenir aveugle.

Lors du second tour de l'élection présidentielle, un tiers des inscrits se sont abstenus ou ont voté blanc ou nul ; pour la seconde fois dans l'histoire de la cinquième République, le taux de participation au second tour était inférieur à celui du premier. Il n'est ainsi pas interdit de s'interroger sur le degré de légitimité de nouveau locataire de l’Élysée et donc de la politique qu'il entend mener, si tant est qu'il obtienne une majorité pour le faire à l'assemblée.

La seule bonne nouvelle dans la période, c'est la cuisante défaite de la candidate de la haine. Pour autant, le niveau atteint par son parti et la banalisation de ses idées montrent que ce n’est pas la fin du risque nationaliste, raciste, sexiste et autoritaire. Le vote frontiste trouve ses racines dans des années de politiques de régressions sociales et libérales et dans la banalisation de la parole xénophobe, voire raciste chez de nombreux autres responsables politiques y compris à la tête de l’État.

Ces mêmes politiques économiques et antisociales sont aujourd’hui incarnées par le président élu, son parti et ses soutiens. Mais elles sont loin d’être majoritaires dans le pays.

Nous sommes donc plus que réservés devant l'optimisme dégoulinant que l'on nous sert.

Et pour cause, la lecture du programme de la république en marche en ce qui concerne la Fonction publique, comme celle de la lettre de son candidat à ses « collègues » fonctionnaires, indique très clairement que la DGFiP, plus largement Bercy, continuera d'être sacrifiée sur l'autel du libéralisme économique, que ses agents, plus largement l'ensemble des fonctionnaires, continueront de subir les effets de choix et d'orientations inspirés de ceux que la sphère privée à elle-même reniée, constatant leur innocuité, voire leur dangerosité.

En conséquence, nous devrions nous accommoder de la poursuite des restructurations, des fermetures de services, du mouvement concentrationnaire, de l'abandon des missions, de leur privatisation qui se profile déjà, de la perte de sens, de la dégradation des conditions de travail ; et nous devrions accepter de retrouver la compétition exacerbée entre services, entre agents, là où les conditions du bon exercice des missions qui nous sont encore confiées requiert avant tout, coopération et confiance ?

Ce sombre avenir que l'on nous promet et qui se conjugue déjà au présent, nous continuerons inlassablement de le combattre, avec la légitimité qui est la nôtre.

Cette légitimité, nous la tenons justement de la démocratie interne, de l'attachement des agents de notre administration aux valeurs de contre-pouvoir, d'analyse, de proposition et d'action du syndicalisme que nous représentons. C'est cet attachement viscéral à faire entendre leur voix que vous et nos ex-Ministres de tutelle cherchent à entraver depuis des mois et des mois, par la remise en cause, en cours de mandat, des droits des élu(e)s, et par la volonté de procéder aux élections professionnelles de 2018 par la voie électronique qui, on le sait, est source d'erreurs, d'éventuelles manipulations et destructrice du niveau de participation des agents notamment par sa complexité. Ceci sans parler de son coût. Pourtant, avec une participation de 86 % au plan national, les agents des Finances Publiques ont largement témoigné de leur attachement à ce scrutin et au dynamisme de la vie syndicale dans notre administration. Si le mot démocratie a vraiment un sens pour vous et pour nos futurs responsables politiques, vous devez, les uns et les autres, revenir sur ces décisions.

Sans tomber dans des raccourcis hasardeux, nous vous appelons ici, encore une fois, à porter un regard attentif sur une partie de ce qui fait le lit de l'idéologie frontiste : l'abandon des plus mal lotis financièrement, socialement ou territorialement, la destruction des services publics de proximité, le culte voué à la numérisation de la société qui laisse une partie des citoyen-nes et des territoires dans le fossé du modernisme, les inégalités sociales et fiscales entre autres, le déni de démocratie. Nous vous appelons à porter un regard attentif sur une partie de ce qui fait le lit de ces idéologies à la DGFiP et notamment : l’abandon des missions, les suppressions massives d'emplois, la réduction drastique des droits, la dégradation constante des conditions de travail et l’absence de reconnaissance des agents entre autres régressions subies depuis des années. Et nous y rajoutons aussi le déni de démocratie.

Les points à l'ordre du jour de ce CTR, comme ceux qui figuraient à la plupart des ordres du jour de tous les groupes de travail qui se sont succédés ces dernières semaines portent la marque des dérives que nous dénonçons et notre « haute administration générale » qui anticipe et prépare les décisions politiques néfastes plus qu'elle ne les subit, pose ses pas dans les traces malsaines de ce qui peut toujours conduire notre pays au chaos.

Nous sommes à un moment où notre demande de moratoire sur les suppressions d'emplois et les restructurations prend tout son sens. Comme il prévoit un audit sur la mise en œuvre du prélèvement à la source, le futur gouvernement et plus particulièrement notre futur ministre de tutelle devrait y être sensible. L'audace n'étant pas l'ennemi de l'intelligence et du pragmatisme, la pause n'étant pas synonyme d'immobilisme, la réflexion étant un gage de réussite et d'acceptation, même partiel, des réformes, nous ne pouvons qu'attendre de celles et ceux qui nous dirigent que leur propos et leurs ambitions soient à la hauteur de leurs actes. Nous jugerons donc sur pièces et nous vous demandons solennellement de porter auprès de notre futur ministre cette requête que nous réitérons depuis des mois d'une pause qualité et d'un examen approfondi et contradictoire des effets de la digitalisation de la DGFiP sur l'organisation du travail, les conditions d'exercice des missions, les évolutions structurelles, les qualifications et les déroulements de carrière des agents.

De notre côté nous poursuivrons inlassablement nos combats :

Contre les thèses liberticides de l'extrême-droite, fondées sur l'intolérance, l'exclusion, la xénophobie et le nationalisme exacerbé,

Face à un libéralisme débridé dont l'échec patent met en péril la démocratie et le vivre ensemble, et favorise la montée de l'extrême droite,

Face à la financiarisation de l'économie, pour la préservation et le renforcement du modèle social issu du Conseil National de la Résistance,

Pour la défense d'un service public égalitaire et républicain, élément incontournable d'une indispensable cohésion sociale,

Pour la défense du Statut Général de la Fonction Publique et le code des pensions,

Pour une véritable justice fiscale, ciment de la justice sociale, et pour en finir avec la fraude fiscale,

Pour la défense et le renforcement de toutes les missions de la DGFiP,

Pour la défense des droits et des intérêts individuels et collectifs des agents des Finances publiques.

Sur ce dernier point nous évoquerons d'abord l'entretien professionnel.

Du fait de la mise en oeuvre du non-protocole PPCR, les agents de catégorie B ne peuvent pas bénéficier cette année du dispositif de réductions/majorations. Les C et les A seront logés à la même enseigne l'année prochaine. Cette suppression des réductions d'ancienneté constitue un vol de 400 millions d'euros dans les poches des agents !

L'année dernière et les années précédentes, des centaines de mois de bonification n'ont pas été distribués, tant durant la phase initiale que durant les CAP de recours. Au final, ils sont revenus dans l'escarcelle de l'administration.

Ces mois, c'est du « pouvoir d'achat » que l'administration nous vole !

Toutes les bonifications d'ancienneté disponibles doivent être distribuées cette année !

Le CREP, du fait de PPCR et des mesures RH régressives imposées, va par ailleurs devenir le déterminant de la promotion, de l'avancement, voire des affectations, et sans doute à terme d'une partie de la rémunération au mérite via le RIFSEEP. Au moment où la DGFiP n’a jamais eu autant besoin du collectif pour surnager dans son océan de charges, de réformes et de pertes d’emplois, elle met en œuvre les pires méthodes d’individualisation inspirées du privé qui, d’ailleurs les a, le plus souvent, déjà abandonnées.

Nous réaffirmons ici notre opposition au RIFSEEP et à toute rémunération au mérite. Au contraire nous revendiquons une revalorisation générale des régimes indemnitaires et la poursuite de leur intégration dans le traitement indicaire.

Parlons maintenant de la Formation Professionnelle et des Concours et donc des Promotions pour évoquer les tristes perspectives de vos choix actuels.

La Direction Générale a ouvert un chantier qui a pour objectif de réduire significativement les droits des agents en matière de formation initiale et de 1ères affectations. En fondant la formation initiale sur l’utilitarisme de la prise de fonction au détriment d’une vision générale de nos missions, la DG poursuit son travail de démolition de la chaîne de travail, du sens et du rôle de notre administration dans la société. C’est une régression dramatique pour la DGFiP et les agents et nous pouvons légitimement nous interroger des conséquences que cette contre-réforme aura d’une part sur l’accomplissement des missions et de l’autre sur la formation continue qui sera sans doute confrontée à un besoin de compensation de cette déperdition sans précédent des savoirs professionnels. Sera-t-elle en capacité de le faire ? La réponse est évidemment non, compte-tenu de l’état des services et des effectifs comme des orientations en matière de formation particulièrement l’e-formation qui est une illusion d’apprentissage que compensent les agents, comme ils le peuvent, par l’expérience, le dévouement et la bonne volonté.

S’agissant des Promotions et des Concours, nous avons un des seuls Directeurs Généraux qui n’ait pas levé un doigt pour défendre des plans de qualification dignes de l’engagement des agents à qui il demande toujours plus, qu'il s'agisse des transformations d'emplois ou des promotions infra-catégorielles (tableaux d'avancement).

Jamais une institution de la taille de la DGFiP, qui encaisse un tel niveau de restructurations en tout genre et surtout d'évolutions technologiques, n'aura à ce point maltraité ses collaborateurs, n'aura à ce point tenu aucun compte de leur engagement et de l'élévation de leur technicité et de leur qualification.

Et le voilà qui s'attaque aux possibilités d'accès aux concours internes et examens professionnels. La volonté dès 2019 et 2020 de limiter le nombre de participations d’un côté et d’organiser les concours externes et internes le même jour est une injure faite à l’investissement des agents tout au long de leur carrière et leur attente légitime de monter dans « l’ascenseur social » de la promotion interne. Mais la perversité ne s’arrête pas là puisque la DG entend modifier les règles actuelles des 1ères affectations en nommant les lauréats des concours externes et internes sur les postes restés vacants à l’issue des mouvements généraux et ce sur la base du rang de classement au concours.

Ces projets, s’ils étaient réellement mis en œuvre sans la moindre garantie sur les postes proposés, la prise en compte de l’ancienneté, la précision de l’affectation, la mise en œuvre des priorités, constitueraient une régression supplémentaire des droits des agents au regard des conditions actuelles de premières affectations arrêtées lors de la fusion.

Notre premier combat sur ce point, avec nos camarades de la CGT et de FO, en passe par une pétition qui réclame :

 Le maintien de réelles possibilités de promotion interne à la DGFiP.

 Une formation initiale et continue de qualité et à la hauteur des exigences techniques des missions de la DGFiP.

 Le refus de toute régression supplémentaire des droits des agents au regard des conditions actuelles de 1ères affectations.

Pour le coup et sur ces domaines, vous êtes le seul responsable et vous pouvez, dès aujourd'hui, rapporter vos orientations, comme celles qui visent à modifier en profondeur les règles de gestion des cadres, celles des comptables, ou encore la cartographie des RAN, les bilans de compétence.

Pour la DGFiP aussi c’est l’heure du bilan et il est catastrophique.

Le moins que l’on puisse dire, c'est que celui que dresse l'institution elle-même a suivi la même cure d’amaigrissement que la DGFiP a connu et connaît encore....

Sur les 31 pages de ce rapport, on compte 14 pages (édito compris!) de rapport « écrit » proprement dit après avoir enlevé le sommaire, le calendrier et les pages de présentation de chacun des (très) courtes parties qui le composent.

Peu de chiffres (traditionnellement, le rapport reprend un certain nombre de données avant de les détailler dans le cahier statistique), quelques phrases alignées sans véritable sens (la partie consacrée au contrôle fiscal a de quoi laisser pantois) et des thèmes majeurs totalement absents (le fameux processus « ASR » n’est pas mentionné), bref, un rapport historiquement pauvre pour une publication qui se veut de référence ; décidément, l’écart n’aura jamais été grand entre le « rapport d’activité » et l’activité proprement dite de la DGFiP. Manifestement, le rapport d’activité n’est plus une priorité pour la DG.

Quelques signes avant-coureurs le laissaient cependant craindre. A titre d’exemple, au début du printemps des années 2015 et 2016, le gouvernement avait largement communiqué sur les résultats du contrôle fiscal, ceux-ci étant par suite repris dans le rapport d’activité. Cette année, aucune communication officielle n’a été faite et le rapport d’activité ne se donne même pas la peine de donner un quelconque résultat global. A croire qu’il s’annonce décevant... On imagine mal, à l’heure du bilan du quinquennat, que cet oubli de communiquer sur l’une des nombreuses missions de la DGFiP régulièrement vantée par le gouvernement s’explique par une forme de courtoisie républicaine destinée à laisser aux nouveaux ministres le soin de communiquer sur une action qu’ils n’ont pas conduite. Quant aux autres missions, elles subissent le même sort que le contrôle dans ce rapport.

Le fait même que ce rapport sorte en début de quinquennat, le jour où le nouveau Premier Ministre est nommé et alors que les passations de pouvoir vont s’enchaîner, donc dans une période où les médias se concentrent sur l’actualité politique, en dit long sur la « pudeur » de nos responsables administratifs et politiques. Pour Solidaires Finances Publiques, ce rapport en dit long sur la situation de la DGFiP.

Celui que dressent les agents au travers de l’Observatoire Interne de 2016 est catastrophique et les chiffres parlent d'eux-mêmes : 63 % des agents sont pessimistes sur leur avenir au sein de cette administration (52 % en 2013),

73% affirment manquer de temps pour s'informer et 62 % pour accomplir correctement leur travail.

95 % (5 % de plus qu'en juin 2015) ont le sentiment de travailler dans l'urgence !

Ils souffrent de plus en plus de stress, qu'ils évaluent sur une échelle de 1 à 10, pour 80 % d'entre eux entre 5 et 10, dont 56 % entre 7 et 10.

Rien qu'entre juin 2015 et décembre 2016, ces chiffres ont augmenté de 2 points. La charge de travail en reste la cause essentielle (pour 64% contre 61 %). 67 % jugent le climat social mauvais ou très mauvais à la DGFiP (+ 6%).

Ils sont aussi 29 % (+ 4 %) à le penser au sein de leur unité de travail, et 57 % (+ 10 %) sur leur structure de travail.

Ils sont 73 % à penser que la DGFiP n'évolue pas dans le bon sens (66 % en juin 2015), 78 % que l'administration ne les écoute toujours pas, et 71 % (+3 %) disent que l'attention portée aux conditions de travail est insuffisante.

Ils manifestent d'ailleurs leurs oppositions et leurs mécontentements dans plusieurs départements ou directions, en répondant favorablement à des appels à la grève, lancés par leurs organisations syndicales.

Catastrophique pour le service public, odieux pour les agents, voilà le bilan du Directeur Général à la tête de notre administration alors que faire ? Les responsables nationaux et locaux de la DGFiP ont le devoir de regarder ces réalités en face, d’écouter les agents et leurs représentants, et de prendre les décisions nécessaires pour replacer notre administration au cœur d’une société qui doute et qui rejette, pour casser cette spirale du mal-être et de la négation de l'humain.

Et nous conclurons.

Pour le syndicat national Solidaires Finances Publiques, la démocratie ne saurait se limiter aux seules échéances électorales. Elle se poursuit, au-delà et au travers de l'action des contre-pouvoirs, dont les syndicats qui doivent jouer tout leur rôle et prendre toute leur place dans la vie de la cité.

Le syndicalisme est, et se doit, de rester une force de contestation, de propositions, de transformation sociale, face à tout pouvoir quel qu’il soit : économique, politique, administratif.

Vous incarnez ce dernier pouvoir et Solidaires Finances Publiques, sans compromission mais comme toujours dans un esprit d’écoute et de défense des agents, continuera à incarner le contre-pouvoir, envers et contre toutes les coups que vous nous portez aux agents et à leurs représentants.