Solidaires Finances Publiques, dans son courrier adressé ce 21 fevrier 2018, demande une audience auprès du 1er Ministre au regard des orientations politiques (plan anti-fraude, projet de loi un Etat au service d’une société de confiance, Action publique 2022) qui remettent en cause l'exercice des missions dévolues à la Direction Générale des Finances Publiques, au cas particulier celle du Contrôle fiscal.
Monsieur le Premier Ministre,
Le syndicat national Solidaires Finances Publiques, première organisation syndicale de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), souhaite attirer votre attention et vous alerter sur l’avenir du contrôle fiscal et le sentiment des agents en charge de cette mission essentielle tant pour les finances publiques que pour le consentement à l’impôt. En la matière, l’actualité, particulièrement riche, et les projets du gouvernement nourrissent en effet de nombreuses inquiétudes sur l’évolution de cette mission et l’avenir des agents qui l’exercent.
Depuis maintenant une dizaine d’années, les nombreuses affaires de fraude et d’évasion fiscales alimentent l’actualité. Elles confirment ce que notre organisation n’a cessé de dire sur l’ampleur et l’évolution de l’évitement de l’impôt, par des comportements d’optimisation agressive et de fraude. Si certaines ont été à l’origine de mesures législatives, elles nourrissent plus profondément le ressentiment de la population à l’égard de l’impôt et, plus généralement, des institutions chargées de concevoir et d’appliquer la politique fiscale. Si les enjeux sont tout à la fois supra-nationaux (plan « Beps » de l’OCDE, projet non abouti d’assiette commune et consolidée de l’impôt sur les sociétés de la Commission européenne) et nationaux, au plan national, le débat sur les adaptations et les améliorations à apporter à la lutte contre la fraude fiscale est ouvert. Il est souvent vif.
Il en va ainsi du monopole de l’administration fiscale en matière de proposition de poursuite pénale pour fraude fiscale, improprement dénommé « verrou de Bercy ». Cette procédure date de 1920, elle est le fruit d’une construction (politique, juridique, économique et sociale) historique. Mais elle est de plus en plus discutée, voire contestée. La mission commune aux commissions des lois et des finances de l’Assemblée nationale sur la poursuite des infractions fiscales doit rendre prochainement ses conclusions sur ce sujet. Notre syndicat s’inquiète des conséquences des décisions, qui pourraient s’en inspirer. Car ni une suppression « sèche » de cette procédure spécifique ni son maintien « en l’état » ne nous apparaissent souhaitables. Pour illustrer précisément notre propos, nous joignons au présent courrier notre rapport sur le sujet dont les préconisations visent à améliorer de façon opérationnelle et concrète l’action publique en matière de lutte contre la fraude fiscale.
Il en va également des conséquences de mesures ou d’annonces comme le « droit à l’erreur » et des plans de lutte contre la fraude fiscale et le travail illégal dont les contours ont été annoncés récemment et dont les adhérences et la logique profonde nous interrogent. A titre d’exemple, la coexistence de deux services fiscaux judiciaires, l’actuelle brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) et le futur service fiscal judiciaire, compétents sur le même domaine, la fraude fiscale complexe, nous fait craindre une désorganisation voire, pire, une concurrence néfaste. Par ailleurs, la volonté manifeste de coordonner les contrôles des administrations (fiscale et sociale) nous semble non seulement très contraignante en termes organisationnels mais également risquée à terme : la seconde étape du projet serait-elle de fusionner certains services de contrôle ? Nous estimons qu’il faut bannir une telle piste pour d’évidentes raisons de technicité et d’efficacité de lutte contre des formes de fraudes diverses.
Il en va enfin des moyens, humains, budgétaires, organisationnels et juridiques dont dispose l’administration fiscale : par leur insuffisance notoire au regard des enjeux, ils entraînent des restructurations, une pression accrue sur les objectifs et, in fine, une détérioration des conditions de travail des agents et de l’efficacité de la mission que le gouvernement ne peut, ni ne doit, ignorer.
Au-delà, les projets touchant à la gestion des fonctionnaires sont alarmants. A titre d’exemple, une rémunération individualisée et différenciée selon des critères dit du « mérite » est incompatible avec les missions de services publics. c’est notamment le cas des services en charge du contrôle fiscal, de l’accueil ou encore du recouvrement. Faudra-t-il accueillir plus de personnes au détriment de la qualité de l’information délivrée à l’usager, accroître les poursuites de recouvrement ou encore exercer un contrôle plus dur ? Les risques sur la population et sur l’efficacité et la qualité des missions sont évidents.
Enfin, les prochaines conclusions du comité « CAP 22 » suscitent d’ores et déjà de vives critiques, tant sur le très court délai donné à quelques personnalités censées examiner les nombreux pans de l’action publique, que sur les orientations préalablement fixées : privatiser, transférer, abandonner certaines missions publiques. Concernant la DGFiP, la cohérence et l’efficacité commandent de conserver le maintien de l’ensemble de ses missions fiscales, foncières et financières.
Ces exemples ne sauraient être exhaustifs, ils ne constituent qu’une partie des sujets et enjeux qui inquiètent très légitimement l’ensemble des agents des finances publiques.
Notre organisation partage d’autant plus ces inquiétudes qu’elle ne cesse d’alerter les pouvoirs publics et l’opinion sur l’absolue nécessité de renforcer l’administration fiscale, de revoir le management du contrôle fiscal et de donner les moyens d’un service public humain, présent et efficace.
Notre organisation avait été reçue par le cabinet du Premier Ministre en janvier 2013 et en novembre 2014 pour évoquer des sujets similaires. Nous avons donc l’honneur de solliciter de votre part une audience pour évoquer l’ensemble de ces sujets plus en détail.
Veuillez agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre considération distinguée.
Le secrétaire général de
Solidaires Finances Publiques