Communiqué commun "Solidaires Douanes, Solidaires Finances Publiques" de la fédération Solidaires Finances.

C’est paru dans le Figaro, le 19 février dernier. Le vénérable quotidien à la ligne ultralibérale bien connue relayait dans un article intitulé « Lutte contre la fraude : des hauts fonctionnaires pointent une situation catastrophique » (Article Le Figaro 19 02 19) les inquiétudes liées à une fraude fiscale galopante, qui prive les caisses de l’État d’importantes recettes publiques.

Pourquoi diantre Le Figaro, qui tire à longueur d’articles sur les finances publiques, trop lourdes, l’État, trop dépensier, l’impôt, écraseur de compétitivité nationale, s’est-il mis en tête de mettre en une les problématiques de la lutte contre la fraude fiscale ? La lecture de l’article met rapidement en condition : il s’agit de rendre compte d’une conférence au Sénat au cours de laquelle ont été mis en avant deux vecteurs bien particuliers de fraude, la fraude à la Sécu et la fraude à la TVA.

Politique fiscale et recette miracle
On comprend mieux l’empressement du Figaro : en insistant sur ces deux recettes publiques particulières, le message subliminal consiste à dire que le problème principal des recettes publiques n’est pas l’évasion fiscale, la perte de recettes causée par la multiplication des niches voulue par l’État lui-même, l’optimisation organisée par les cabinets de fiscalistes ou la fraude aux impôts des plus riches ou des entreprises, sports pratiqués avec constance par ces derniers et qui occasionnent un appauvrissement organisé de l’État (de l’ordre de 100 milliards par an). Foin de Lux Leaks, de Panama Papers, le problème est au bout de la rue, par la fraude à la Sécu et à la TVA. Pour la 1ère, on se gardera d’émettre un avis, le contrôle ne relevant pas de la compétence des services du Ministère. S’agissant de la fraude à la TVA, l’enjeu est évidemment crucial pour nos administrations. La tonalité de l’article est par contre surprenante : lutter contre la fraude à la TVA serait d’une simplicité enfantine, puisqu’il suffirait de recourir à un « logiciel », conçu « par une entreprise privée » et dont la seule utilisation permettrait de mettre la main sur 8 milliards d’euros d’un seul coup d’un seul. Alléluia ! C’est la lanterne magique !

Douane vs Impôts ?

Mais alors pourquoi l’État refuserait-il l’emploi d’un outil aussi miraculeux ? (que l’on ne détaillera jamais). La réponse est simple « l’administration fiscale (la DGFiP) ne s’est pas montrée convaincue et le projet n’a pas abouti ». Et pourquoi donc la DGFiP n’a pas été emballée ? L’explication tombe par la voix de Charles Prats, éminent spécialiste médiatique incontournable de la fraude fiscale et soutien déclaré du programme de droite dure de François Fillon en 2017 : « si le logiciel était mis en place les services des Douanes pourraient d’un seul coup détecter environ 8 milliards de fraude, soit deux fois plus que l’ensemble de la fraude fiscale détectée par la DGFiP qui compte pourtant sept fois plus de fonctionnaires ». Ce scénario serait « inenvisageable pour la DGFiP (qui a) entamé un véritable processus d’hégémonie sur Bercy ».


Nous ne tomberons pas dans ce piège grossier voulu par le gouvernement.

Les pauvres douaniers sont donc privés « d’un redéploiement d’effectifs et de moyens au profit de la Douane » par la faute d’une DGFiP conservatrice et jalouse de ses attributions ! Diantre ! Pour SOLIDAIRES, poser ainsi la problématique du contrôle et de la LCF au sein du ministère du budget est une très mauvaise méthode. En opposant des matières à contrôler et des administrations, dont les rôles respectifs obéissent à des dispositions légales spécifiques, cette réflexion passe outre l'aspect essentiel de la politique conduite par le gouvernement aujourd'hui : le démantèlement des moyens, humains, matériels et financiers, affectés globalement à la lutte contre la fraude fiscale et douanière. L'opposition Douane/DGFiP orchestrée par le pouvoir politique est une diversion qu'il orchestre, afin que la colère et la frustration des agents de ne pouvoir exercer correctement leur métier se retourne contre leurs propres collègues et non contre lui. Ce qui s'apparente à une stratégie se décline aujourd'hui dans de nombreux domaines de la politique publique : transférer des compétences fiscales de la DGDDI vers la DGFiP sans étude préalable, opposer les catégories de salariés entre eux pour promouvoir des politiques antisociales (vieilles ficelles qui fonctionnent à plein, fustigeant les cheminots, les agents d'EDF, les fonctionnaires, voire les agents publics entre eux), puis maintenant les citoyens les uns contre les autres (les retraités/les actifs, les redevables de l'IR/ceux qui ne le payent pas, les gilets jaunes/les défenseurs de l'ordre, etc). Cette division organisée du corps social, si elle est payante pour le pouvoir à court terme puisque la colère citoyenne se dirige vers d'autres citoyens plutôt que vers lui, recèle en elle-même une désintégration du pays, et incite à la recherche de nouveaux débouchés de contestation, portés notamment par les mouvements nationalistes et l'extrême droite.
Douane et DGFiP : des compétences cruciales et complémentaires, un même combat à mener contre le démantèlement de nos administrations par le gouvernement
SOLIDAIRES DOUANES et SOLIDAIRES FINANCES PUBLIQUES dénoncent ces politiques de gribouille et d'apprentis sorciers. Nous ne nous associerons sûrement pas à ce type de démarche, contrairement à ceux qui font totalement fausse route, à notre sens. Aujourd'hui, plutôt que de fustiger les attributions et les missions de la DGFiP ou de la DGDDI, il est beaucoup plus urgent d'unifier l'énergie des agents pour dénoncer la politique globale du gouvernement qui consiste à désarmer les moyens des administrations financières, afin d'organiser le recul des politiques publiques. Nos deux syndicats, unis au sein de la fédération SOLIDAIRES FINANCES, 1ère organisation syndicale du ministère, considèrent que c'est l'ensemble des moyens de la LCF, pour le contrôle efficace de toutes les ressources publiques, qui doivent être renforcés. Pour cela, nous revendiquons l'arrêt des destructions d'emplois et d'implantations qui ont touché nos deux administrations de manière brutale depuis maintenant deux décennies. Nous demandons également l'arrêt des transferts de missions non justifiés, qui ne provoquent qu'inquiétude et amertume.

En France, l'Etat est le garant de l'égalité entre les territoires et de la péréquation financière entre les citoyens. Il assure le rôle essentiel d'équilibre social au sein de la société. Sa désintégration minutieuse menée par les gouvernements libéraux successifs passe en premier lieu par l'amenuisement de ses ressources et donc la désintégration des administrations financières.

Nous appelons les agents à ne pas tomber dans le piège grossier tendu par le gouvernement, un « diviser pour mieux régner ». A l'heure de la mise en place d'un service unifié à la lutte contre la fraude fiscale et douanière, qui regroupera des agents des deux administrations et dont nous appelons la réussite de nos vœux, le SNDFJ (Service National Douanier et Fiscal Judiciaire), il s'agit d'unifier nos revendications de renforcement de la DGDDI ET de la DGFiP.