Il est de tradition dans le débat public de comparer les taux nominaux des impôts des différents Etats, notamment en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés. Or, comparer les taux sans tenir compte de la base sur laquelle il est calculé n’enseigne pas grand-chose…

De fait, prétendre que la France impose lourdement les sociétés au motif que le taux de l’IS apparaît comme l'un des plus élevés des pays européens est trompeur. Car, outre qu’il existe en France des taux inférieurs au taux facial de 33,3 % (lui-même en baisse puisqu’en, 2018, il s’élève à 28 % sur les 500 000 premiers euros de bénéfice et sera abaissé à 25 % en 2022), comme le taux sur les plus-values à long terme par exemple, ce taux est calculé sur une assiette étroite. Par ailleurs, de multiples déductions du bénéfice imposable existent alors qu’elles sont impossibles dans d’autres pays, comme en Allemagne par exemple.

En réalité, la part de l’impôt sur les sociétés rapportée au produit intérieur brut (PIB), indicateur instructif du poids réel de l’IS dans l’économie, est très faible en France. Pire, elle baisse alors qu’elle a tendance à regagner des couleurs dans les autres pays de l’OCDE.

Impôt sur les sociétés rapporté au PIB (source: OCDE, Statistiques des recettes publiques, édition 2018)

Pays 2010 2015 2016
France
Allemagne
Belgique
Royaume-Uni
États-Unis
Espagne
Danemark
2,3
1,5
2,5
2,9
1,8
1,9
2,3
2,1
1,7
3,3
2,4
2,1
2,4
2,7
2,0
2,0
3,5
2,7
2,0
2,2
2,7
Moyenne OCDE 2,7 2,8 2,9


Loin des idées fausses sur le poids de l’IS, la France se distingue donc de la tendance globale. La part de l'IS rapportée au PIB devrait même continuer à baisser sous l’effet de la baisse du taux nominal de l’IS à 25 % en 2022, puisque son assiette demeure inchangée.

Et cela, sans que la question des écarts d’imposition ne soit réglée. En 2014, la direction générale du Trésor estimait en effet que les écarts de taux d’imposition entre les entreprises (avant report des éventuels déficits) variaient entre 26 % pour les grandes entreprises et 32 % pour les PME bénéficiaires (1).

En clair, dans le contexte où l’injustice fiscale est vivement et très largement dénoncée, la France dispose de marges de manœuvre pour rééquilibrer et réformer l’IS. Ce qui bénéficierait aux PME et dégagerait des ressources. Au-delà, une véritable réforme de l’IS doit également intégrer la dimension numérique de l’économie pour en finir avec l’optimisation fiscale de certains grands groupes (Gafa et assimilés) et, enfin, déboucher sur une harmonisation de l’IS au sein de l’Union européenne. Et ce, pour neutraliser la concurrence fiscale.

(1) Travaux de la direction générale du Trésor repris dans le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, « Toutes les entreprises ont-elles le même taux implicite d’impôt sur les sociétés ? », CPO, rapport particulier n° 3, 2017.