La CAPN s'est tenue du 6 au 15 novembre 2018.
59 dossiers ont été évoqués par les élus représentants du personnel, dont 24 par Solidaires Finances Publiques.

Déclaration liminaire

Monsieur le Président,

Le projet de loi de finances a annoncé la suppression de 2130 emplois à la DGFIP. En cumulé depuis 2002 notre administration a perdu 40000 emplois. Qui dit mieux dans la fonction publique d’État ? À en croire les inepties coutumières de la Cour des comptes, cela ne serait pas suffisant. Mesdames et messieurs les démagogues de tous horizons, nous vous prions de venir dans les services afin de constater les résultats de vos impérities.
Le 29 octobre se tenait un Comité interministériel de la transformation publique (CITP) présidé par le Premier ministre. Sans constituer une surprise, les annonces de l’exécutif sur l’avenir du Service Public et de la Fonction Publique sont venues confirmer à la fois nos craintes et nos analyses.
L'objectif principal est confirmé : mettre tout en œuvre pour supprimer 120 000 emplois dont 50 000 dans la Fonction publique d’État. Pour y parvenir, plusieurs axes sont réaffirmés, très largement inspirés du rapport CAP22 que Solidaires Finances Publiques avait rendu public. La DGFiP est particulièrement concernée.
Les réformes s’appuient notamment sur l'utilisation massive du numérique censée supprimer les tâches les plus rébarbatives et à faible valeur ajoutée d’une part, et d’autre part sur la simplification des démarches administratives pour les usagers. Le numérique est aussi présenté comme un outil d’amélioration des conditions d’exercice des missions, notamment celles relatives au contrôle fiscal avec le datamining.
A ce parti pris technologique s'ajoutent des régressions capitales comme :
la création d’une agence unique de recouvrement des prélèvements sur les entreprises,
la suppression du numéraire dans le réseau de la DGFiP,
l’expérimentation des agences comptables,
la mise en place du compte financier unique,
la mise en extinction du principe de séparation ordonnateur/comptable,
la définition et la mise en œuvre d'une nouvelle politique immobilière,
la poursuite de la contraction du réseau.
Il faut rajouter à tout cela les réformes engagées en parallèle ou en avance par la DG elle-même.
L'impact sur les missions, leur périmètre et leur contenu est incommensurable. Celui sur les personnels est largement prévisible.
Tous les dispositifs de compensation financière devraient être améliorés pour celles et ceux qui devront bouger. Le plafond de la prime de restructuration de services devrait être doublé et bénéficier, modulo une réfaction, aux conjoints touchés par une restructuration.
Le complément indemnitaire d’accompagnement qui permet le maintien de la rémunération en cas de mobilité vers une autre Fonction publique, devrait quant à lui être revu dans ses principes. Un agent ou une agente qui se trouverait dans cette situation conserverait la totalité de son traitement net pendant 6 ans, sans dégressivité et sans effet en cas d’évolution de carrière ou de rémunération principale.

Ces réformes d’ampleur inégalée conduisent sur les chemins de la mobilité forcée voire vers la sortie :
- en rénovant le dispositif de l'indemnité de départ volontaire. Celle-ci pourrait être accessible dans un délai de deux ans avant l’ouverture des droits à pension (actuellement impossible au-delà de 57 ans). Son plafond serait calculé sur la base d’un mois par année de service (1 année de service = 1 mois de rémunération), avec une limite de 24 mois. L’intégralité du traitement net (y compris toutes les primes) servi au bénéficiaire servirait de référence pour le calcul de cette indemnité ;
- en créant une agence de reconversion professionnelle, une sorte de pôle emploi de la Fonction publique, destinée à organiser et à faciliter les mobilités ;
- avec la mise en extinction progressive du statut ;
- en validant la quasi-intégralité des travaux relatifs au « nouveau contrat social pour les fonctionnaires » menés par la DGAFP, l'exécutif ouvre les portes à la remise en cause du statut ;
- avec l’extension du recours aux contractuels (qui s'accommode bien aux agences) ;
- avec l’individualisation des rémunérations ;
- avec le recours à la rémunération au mérite ;
- avec une déconcentration accrue qui accompagnera une très forte différenciation des organisations selon les territoires.
Ce sont tout à la fois les principes et les valeurs du service public universel et ceux de la Fonction Publique qui sont mis à mal dans une approche purement dogmatique.
Les grands axes de la refonte de l’action publique et de la Fonction Publique sont désormais officiellement actés. La haute Fonction Publique est appelée à tout faire pour la réussite de ce démantèlement programmé que Solidaires Finances Publiques annonce depuis des mois, voire des années.
Solidaires Finances Publiques appelle donc l'ensemble des agents à se mobiliser.

Concernant cette CAP de recours :

Solidaires Finances Publiques est totalement opposé au projet de suppression des CAP nationales de recours aux évaluations. Pourquoi ?
Dans l’ensemble des recours remontant en CAPN une volumétrie non négligeable a pour origine des relations conflictuelles entre le chef de service et l’agent. Et certains dossiers que nous évoquerons à cette CAP en sont emblématiques.
Le niveau local d’expression, à savoir le recours hiérarchique et la CAPL, n’est pas adapté dans ce genre de situation.
Le président de la CAPL, qui est aussi le directeur local, ne veut pas, dans la plupart des cas, déjuger le chef de service afin de ne pas adresser de signaux négatifs à l’ensemble de sa hiérarchie.
Ces rapports conflictuels entraînent le plus souvent un mal-être au travail aboutissant à des risques psychosociaux graves (arrêt de travail lié au burn-out, voire pire des menaces de suicide, des passages à l’acte…).
Le dépaysement du recours apporte aux agents le sentiment que la DGFIP n’est pas juge et partie, et permet le plus souvent à travers la prise en compte du dossier de trouver un lieu de neutralité bénéfique à l’agent pour lui permettre de se redresser.
L’intérêt du service et celui de l’agent sont indissociables. Un agent en arrêt ou mal dans son environnement de travail a des conséquences dans le fonctionnement du service.
Dans le contexte actuel la relation entre les personnels et la DGFIP est simple et se résume en un mot : défiance.
Si on supprime un stade supplémentaire de possibilité d’expression, cette défiance sera exacerbée.
Imagine-t-on dans le cadre juridictionnel la suppression de la cour d’appel ou de la cour de cassation ?
Comment réagirait le citoyen devant ce recul de l’application du droit ?

La baisse de la volumétrie des recours en CAPN que la DG met en avant n’est pas un argument valable pour supprimer cette instance.
Tout d’abord cet élément n’est que factuel. Il résulte notamment de la suppression des réductions d’ancienneté qui avaient un impact pécuniaire direct faisant réagir les agents.
Mais n’oublions pas qu’à partir de 2020 avec la mise en place éventuelle du RIFSEEP, que Solidaires Finances Publiques combat, l’évaluation va jouer un rôle déterminant dans l’aspect indemnitaire et le nombre de recours va sur ce sujet fortement rebondir avec son cortège de ressentiments qu’il faudra prendre en compte.
L’évaluation va aussi produire des effets majeurs sur le déroulé de carrière (tableau d’avancement, liste d’aptitude…), mais elle va aussi avoir des conséquences en matière d’affectation locale.
Enfin la baisse de la volumétrie est un argument contestable car même s’il n’y avait qu’un seul recours en CAPN, on ne peut pas priver un agent de la défense à laquelle il a droit.
Cela conduirait à un déni de justice.
La CAPN pour certains recours apporte de la sérénité et l’impartialité nécessaire au traitement des dossiers.
Si la DG maintient sa volonté de supprimer la CAPN de recours, compte tenu de l’ambiance générale dans les services due aux politiques menées, elle prend le risque d’une multiplication de saisine des tribunaux administratifs.
Pensez-vous que ces actions juridictionnelles menées par les agents contre leur propre administration sera neutre ?
Pensez-vous qu’en termes d’affichage cela aura un effet positif pour notre administration ?
Pensez-vous que ce type de publicité est valorisante pour la DGFIP ?
Ne vaut-il pas mieux garder en interne ce genre de différent plutôt que de l’exporter ?
Il nous parait nécessaire pour l’ensemble des raisons exposées de maintenir les CAPN de recours afin de conserver le caractère gagnant-gagnant pour les agents et l’administration.
Sur l'évaluation elle-même :
D’une manière générale, Solidaires Finances Publiques réaffirme son opposition aux dispositions du décret du 29 avril 2002, des décrets des 26 octobre 2007 puis du 17 juin 2008 et à celles du décret du 28 juillet 2010 modifié. Pour nous, le système de l’entretien professionnel fondé exclusivement sur une mise en compétition des agents entre eux et sur des notions de productivité et de performance individuelle, organisé dans un cadre contractuel et individualisé, porte atteinte aux valeurs de la Fonction Publique et contribue à la dégradation des conditions de vie au travail des agents.
Solidaires Finances Publiques réaffirme son refus de toute forme de contractualisation des fonctions et revendique la mise en place d’un entretien annuel collectif en remplacement de l’entretien individuel.
Nous demeurons également tout particulièrement attachés à ce que les agents aient des éléments de repère au regard de leurs acquis professionnels et ce durant toute leur carrière.
Ce qui nous amène à évoquer le tableau synoptique et les appréciations en lien avec les acquis de l’expérience professionnelle.
Pour Solidaires Finances Publiques, le tableau synoptique est un aspect essentiel de l’évaluation qui doit permettre aux agents d’avoir, tout au long de leur carrière, une vision synthétique, objective et précise de l’appréciation de leur valeur professionnelle. Dès lors, nous condamnons vivement l’approche retenue par l’administration qui conduit à précariser les connaissances et compétences des agents en partant du principe que le tableau synoptique est le pendant de l’évaluation annuelle.
Concernant le recours hiérarchique obligatoire, Solidaires Finances Publiques réaffirme son opposition à ce dispositif. Le bilan que nous tirons au terme de cette campagne est toujours aussi négatif et chronophage pour les agents. Il dilue le dialogue social et nuit à la qualité de ce dialogue en créant une interface peu favorable à l’agent. Avec le recours hiérarchique, la présence de l'autorité hiérarchique aux travaux des CAPL pose question, l'examen de la situation de l'agent étant fortement conditionné à son avis et ses interventions. Pour Solidaires Finances Publiques, le recours hiérarchique ne renforce nullement les droits des agents, il n’apporte pas réellement d’avancées et s'avère dans l'immense majorité des cas problématique lors des discussions en CAPL du fait de la présence de l'autorité hiérarchique. C’est pourquoi nous demandons purement et simplement la suppression du recours hiérarchique.

Concernant la CAP proprement dite :

Nous dénonçons les dérives constatées :
- certains chefs de service confondent notamment appréciation de l'agent et fixation d'objectifs : ce manque de maîtrise de l'analyse de l’instruction demeure incompréhensible ;
- trop de directions pénalisent la mobilité fonctionnelle des agents, en ne tenant pas compte, lors d’un changement de poste, des 8 premiers mois d’activité de l’agent pour ne retenir que le dernier quadrimestre. Cela a pour conséquence préjudiciable le recul significatif du profil croix, recul particulièrement mal vécu par l’agent dans le cadre de l'annualité de l’entretien professionnel ;
- certains chefs de services font table rase des appréciations portées par leurs prédécesseurs ignorant les écrits de la fiche préparatoire, quand bien même elle est formalisée ;
- il est inadmissible qu’il manque encore des fiches préparatoires à l’évaluation quand le chef de service a changé en cours d’année ;
- il existe trop de différences entre l’évaluation de l’agent et le rapport de l’évaluateur suite à appel, donnant l'impression qu’on ne parle pas du même collègue ;
- il est inadmissible que la procédure de recours sur la gestion 2017 fasse état d’événements survenus en 2018 ;
- les conflits de personnes entre l’agent et le chef de service se règlent rarement au niveau des CAP locales, d’où l’importance d’un niveau de recours en national pour juger avec hauteur ces faits ;
- il est inadmissible que l’échec à une sélection d'IDIV soit utilisé par un chef de service pour justifier une dégradation de l’évaluation ;
- il est incompréhensible que certaines directions ne tiennent pas compte de vos directives quant à la neutralisation du cadre avis pour l’avancement au grade d'IDIV par tableau d’avancement.

Tout au long de cette CAP, nous pourrons mesurer à quel point certains recours sont emblématiques de la souffrance au travail de nombreux agents. Trop d’appels constituent de réels cris de souffrance. Les causes sont multiples. Parfois elles font référence à des problèmes relationnels entre le chef de service et l’agent, entre la politique d’objectifs et la réalité du quotidien. Parfois, elles font suite à un manque de soutien ou de formation de l'agent ou des équipes de travail. Pour Solidaires Finances Publiques, la Direction Générale doit être attentive à toutes ces situations, lors de l’examen individuel du recours mais également dans sa réflexion et ses pratiques en matière de management.
Nous tenons également à soulever la problématique des agents exerçant des responsabilités syndicales ou mutualistes, des agents ayant fait l’objet d’arrêt de travail pour maladie, maternité, plus ou moins longs. En effet, dans certaines directions, ces agents ne sont pas traités équitablement, l’administration oubliant souvent que ces agents doivent être évalués au regard du temps réellement consacré à l’activité professionnelle. Souvent, les objectifs quantitatifs ou qualitatifs qui sont fixés aux agents ne sont pas réalistes par rapport aux contraintes rencontrées.
Par ailleurs, on ne comprend pas, et les directions locales non plus, que des militants aient pu faire l’objet d’une évaluation alors qu’ils n’ont jamais exercé dans leur service.
Nous ne reformulerons pas nos craintes exprimées lors des CAP de mutation, mais compte tenu du recul de la qualité de la formation initiale, du côté très insatisfaisant de la formation en cours de carrière, en particulier pour les agents en changement de métiers ou qui ont été amenés à changer de filière, il nous semble nécessaire que la Direction Générale cadre l’exercice de l’évaluation pour ces agents en appelant notamment les directions à faire preuve de discernement. Il est inacceptable que des agents soient pénalisés à cause d’un choix de mobilité fonctionnelle n’ayant pas fait l’objet de l’accompagnement professionnel adéquat, et ce dès la première année d’exercice. Par ailleurs, il est tout aussi inacceptable que des chefs de service considèrent qu’à l’issue d’un stage, les agents doivent être immédiatement opérationnels de manière autonome, sans l’expérience résultant de la mise en pratique nécessaire.

Solidaires Finances Publiques attend que cette CAP joue pleinement son rôle en matière d’examen des situations évoquées, avec à la clé des décisions favorables en matière de modifications des appréciations (littérales et tableau synoptique).
Nous remercions le bureau RH 1C pour nous avoir transmis, conformément au règlement intérieur, les documents huit jours avant la tenue de la CAP.

En observations diverses, nous tenons à soulever les points suivants :
- Solidaires Finances Publiques condamne les dérives constatées dans certaines CAPL de liste d'aptitude qui viennent de se tenir. En effet, certaines directions déclassent des candidats sans justification, d'autres augmentent de manière significative le nombre d’agents classés en excellents sans aucun lien avec les potentialités, et ce dès le projet privant de fait la CAPL de son rôle, d'autres encore se permettent d’abonder les classements après CAPL d’agents non évoqués en séance, n’ayant pas eu le courage de les positionner dès le projet.
- S'agissant des premières affectations, Solidaires Finances Publiques s'inquiète des premières remontées des agents. En effet, certaines directions semblent vouloir ne pas respecter les blocs fonctionnels attribués en national, ou affecter des agents sur des postes au choix contrairement à ce qui leur avait été dit par le bureau RH1C lors des conférences, d’autres envisagent de ne pas convoquer de réunions locales.
Depuis des mois, Solidaires Finances Publiques dénonce le poids trop grand donné aux directeurs locaux qui s’assoient allègrement sur les recommandations ou directives de la Direction Générale. Force est de constater que les dérives s'installent. La Direction Générale n'a eu de cesse lors des différents groupes de travail ou CAP de rappeler qu'elle saurait faire respecter ses consignes aux directions locales. Par conséquent, Solidaires Finances Publiques ne veut plus de belles paroles mais exige des actes.