Une inquiétante instabilité politique s’est fortement ancrée dans le pays depuis les résultats des dernières élections législatives. Malgré cela, la DGFiP a pris le temps de rédiger une instruction quant aux chantiers à mettre en œuvre dans les missions foncières. De nombreux points sont abordés et accélèrent les réformes précédemment engagées.

Alors que les conditions de travail ne cessent de se dégrader à la DGFiP et particulièrement au sein des missions foncières, sans doute aurait-il été plus opportun de ne pas s’enferrer dans des modifications structurelles, dans une accentuation toujours plus prononcées des outils de dématérialisation et d’IA, qui n’ont cessé de démontrer leur inefficacité.

 I) Les structures

 1) Implantations territoriales

Alors qu’elle avait annoncé stopper les réformes d’implantations territoriales, après le NRP, la DGFiP recommande aux directions territoriales d’adopter le modèle du SDIF. Une fois de plus, la DGFiP a éloigné les services publics des usagers tout en compliquant la vie de ses personnels. L’objectif est clairement affiché : « une implantation géographique unique doit être privilégiée chaque fois que cela est possible, dès la mise en place du SDIF ou dans la durée ».

 2) Effectifs

Sur les effectifs des SDIF nous nous permettons d’analyser le paragraphe suivant, typique du verbiage de notre direction. Pour notre administration : « Au vu du caractère mouvant des conditions de réalisation des missions, et de la très forte dimension d’accompagnement du changement dans la sphère foncière, la présence d’une équipe d’encadrement suffisamment étoffée et impliquée est primordiale, tout particulièrement pour accompagner la mise en place du SDIF »

Traduisons ces éléments de langage : Après le « bordel » ambiant consécutif à des suppressions d’emplois massives, des conditions de travail dégradées, des outils numériques inopérants et mis en place précipitamment, des transferts de missions sans anticipation ni formation suffisante, nous conseillons aux DDFIP de rajouter quelques emplois A+ supplémentaires dans les SDIF pour « accompagner le changement ».

Pour Solidaires Finances Publiques, ce sont bien l’ensemble des emplois qui doivent être renforcés, du cadre C au cadre A+, l’armée mexicaine n’ayant jamais vraiment démontré son utilité.

 3) Organisation fonctionnelle

 L’organisation des SDIF souffre d’un manque de clarté.

Ainsi : « le découpage thématique doit être privilégié au découpage géographique, chaque fois que cela est possible, sans pour autant conduire à une spécialisation des équipes trop marquée ».

Cette préconisation flirte dangereusement avec l’oxymore. Comment faire travailler les agents sur des thématiques tout en ne les spécialisant pas ? Nous l’avons dénoncé à maintes reprises, les agents sont aujourd’hui alternativement utilisés en ultra-spécialistes de tâches répétitives, ou en agent hyper polyvalent que l’on peut déplacer d’un pôle à l’autre, et parfois d’une mission à l’autre.

Si l’idée développée de maintenir des liens avec d’autres services, et notamment ceux de la publicité foncière, pour permettre d’avoir une vision globale de la chaîne de travail est appréciable, encore faudrait-il que les moyens humains, matériels, de formation soient plus conséquents et à la hauteur des ambitions.

 4) Des agents interchangeables

Tout un paragraphe vient promouvoir l’esprit collectif de l’entité SDIF. Ces éléments de langage sont particulièrement insupportables tant les conditions de travail ont été dégradées ces dernières années. Dévoyer l’esprit collectif qui est déjà l’une des valeurs cardinales de l’ensemble des agents de la DGFiP pour promouvoir que chaque agent puisse être positionné n’importe où pour combler les manques d’effectifs n’est pas admissible.

Extrait : « Dans ce contexte, l’approche collective doit permettre de mobiliser des agents du service foncier afin de lisser l'organisation des travaux, notamment lors de pics de charge importants, en favorisant l'entraide et la cohésion des équipes y compris en participant à des tâches que certains n’assurent pas de façon continue (réponse aux e-contacts par exemple). »

Cette préconisation vise explicitement les géomètres cadastreurs qui, toujours selon la note, « sont pleinement partie prenante du collectif du service foncier, et peuvent ainsi être amenés à participer, de façon ponctuelle ou plus durable, à des activités communes à l’ensemble des effectifs des services fonciers et qui ne mobilisent pas directement leurs compétences spécifiques (traitement de e-contacts, fiabilisation des fiches Surf, réalisation d’évaluations y compris non complexes, saisie dans Majic...) »

Les personnels de la DGFiP, et notamment les géomètres, n’avaient nullement besoin d’une note pour leur rappeler qu’ils font partie intégrante du collectif de travail. La DGFiP oublie que c’est par sa politique de suppressions d’emplois que des personnels sont appelés en renfort pour pallier les difficultés des services. Les géomètres ne sont pas les EDR du Foncier. Par ailleurs, la formation spécifique, même si elle a été modifiée, ne devrait pas les prédestiner à se contenter de pallier les manques d’effectifs et rattraper les anomalies engendrées par l’IA.

 

II) Nouveaux outils numériques

 1) Repères

Cet espace a vocation à regrouper l’ensemble de la documentation relative aux missions cadastrales. Nous ne sommes pas opposés à la mise en place d’un endroit unique qui centraliserait l’ensemble des documents nécessaires à l’exercice de la mission. Nous attendons de voir quelle en sera l’ergonomie, l’exhaustivité du contenu, les habilitations. Nous craignons par ailleurs une difficulté quant à la création de sites ne regroupant que les informations nécessaires à une seule mission, en l’occurrence les missions foncières et cadastrales. En effet, où pourra t-on chercher les informations connexes avec d’autres services, comme la publicité foncière, les brigades patrimoniales ou autres. Les missions foncières ne sont pas déconnectées de la DGFiP et la multiplication d’espaces de recherches cloisonnés n’est sans doute pas la solution à privilégier. L’inquiétude est d’autant plus prégnante que la documentation reste souvent obsolète et que les services en centrale déplorent aussi un manque de personnel.

 2) Baltic

Cette interface remplacera VisuDGFiP. Un accès simplifié pour les services fonciers et pour les collectivités ne peut que susciter l’approbation. Reste à vérifier que la solution technique fonctionne. Une inquiétude s’y ajoute, les usagers pourraient avec ce déploiement consulter sur leur espace perso leur relevé de propriété. Si la transparence des éléments d’informations concernant les usagers est indispensable au bon fonctionnement du service public, encore faut-il que les effectifs soient en nombre suffisant pour répondre aux multiples questions que ne manqueront pas de poser les propriétaires.

Le site permettrait également aux professionnels et particuliers de faire les demandes de relevés de propriété de tiers, dans la limite du nombre prévu par la réglementation en vigueur. Cette possibilité pourrait éviter que prospèrent des organismes privés proposant sur internet de réaliser les demandes de matrices cadastrales.

 

 III) Missions

 1) anomalies sur les changements d’attribution

L’automatisation systématique des process de travail a généré de nombreuses anomalies. Si les bureaux de GF indiquent s’atteler à les réduire au maximum, c’est bien la précipitation à lancer systématiquement de nouveaux applicatifs et de nouveaux traitements informatiques qui nous interroge. L’impact est loin d’être neutre concernant les charges et conditions de travail.

 2) Taxes d’urbanisme

La note explique en caractère gras « Cette mission nécessite ainsi un suivi rapproché et une mobilisation renforcée des équipes encadrantes afin de faciliter la montée en charge des services fonciers ». Alors que le transfert de missions a été sous estimé en volume d’emplois nécessaires pour l’exercer, et que nombre d’emplois provisionnés pour le transfert de collègues du MTE (Ministère de la transition écologique) n’ont pas été pourvus faute de faible attractivité de notre administration, les services sont aujourd’hui en grande difficulté. Le seul renforcement des effectifs de cadres A+ ne peut être la solution miracle pour l’ensemble des difficultés rencontrées. Les service nécessitent aussi des cadres B e C.

 3) Documents d’arpentage (DA)

La dématérialisation totale de la procédure de vérification des DA est déjà en cours depuis mars 2021. Solidaires Finances Publiques dénonçait à l’époque une détérioration de la mission conjuguée à un transfert d’une partie de ces travaux aux géomètres experts. Une plateforme, nommée e-Da et sur laquelle seront déposés les documents d’arpentage, va ainsi être généralisée à partir de fin 2024. Cette solution numérique ne sera pas gérée par la DGFiP, mais pression des organismes privés oblige, par l’OGE (ordre des géomètres experts). La prochaine étape est-elle une externalisation pure et simple de la mission ?

 4) Mise à jour du plan cadastral

La prédominance de l’IA est entérinée. Alors que des départements continuaient de prioriser des levés terrain, plus précises, plus respectueux de la technicité des personnels géomètres, les consignes sont désormais gravées dans le marbre : le levé traditionnel, nécessitant un déplacement sur le terrain, devra porter sur les seules opérations pour lesquelles les détections topographiques ont été rejetées ou étaient absentes.

Ce qui devait n’être qu’une aide à la décision devient un impératif pour les personnels. Sans doute faut-il justifier les 35 millions d’euros investis sur le projet Foncier Innovant. Nous n’avons pourtant aucun retour national quant à la fiabilité des détections des bâtiments. Cette dernière est techniquement plus difficile à mettre en place, car l’entraînement des algorithmes est plus opérant pour détecter les rectangles bleus de piscines que les formes des bâtiments isolés.

Concernant la topographie, tout est désormais axé sur le foncier innovant. Cette vision techniciste de la DGFiP est inadmissible, nous continuerons de la combattre.

 5) Confection de plans neufs

La mission ne semble pas être chamboulée à la lecture de la note. Elle se confrontera toutefois aux réalités des manques d’effectifs de géomètres occupés au travail généré par le Foncier Innovant ou monopolisé par des missions fiscales. Ainsi le travail de topographie, mission centrale des géomètres, risque d’être principalement opéré par les géomètres des BNIC (brigades nationales d’intervention cadastrales) du SDNC (service de documentation nationale du cadastre). Cette dichotomie risque de fracturer les collectifs et fragiliser les géomètres départementaux.

 6) La RPCU (représentation parcellaire cadastrale unique)

Serpent de mer des missions topographiques, l’idée et l’utilité d’un plan unifié, et d’un continuum sur l’ensemble des communes et départements, a du sens. Mais au-delà de ça, il persiste des contraintes matérielles qui se juxtaposent à des effectifs de plus en plus réduits à la DGFiP et à l’IGNF. La RPCU n’est sans doute plus, à ce titre, une priorité.

 7) Flux Sytadel et fiabilisation

La réduction des déplacement des géomètres sur le terrain ajoutés à la prédominance des relances automatiques donnent un poids prépondérant aux communes et collectivités territoriales dans la fiabilisation des bases. Ces dernières restent peu ou mal informées, peu aidées et accompagnées par les services de la DGFiP tandis que les outils informatiques pour intégrer les autorisations d’urbanisme dans les flux Sytadel apparaissent disparates. Le rôle des géomètres « référents » pour les communes, est explicité le plan et en quoi consistent les missions de la DGFiP, est primordial.

« S’agissant de l’exploitation des fiches en anomalie dans Surf, une nouvelle fonctionnalité de Cadascad d’aide à la fiabilisation est actuellement en cours d’expérimentation et sera bientôt généralisée ». Nous notons que cet élément avait été réclamé par les organisations syndicales et regrettons une mise en place bien tardive.

Si nous pouvons constater la volonté affichée de mettre le CDL (conseiller aux décideurs locaux) dans la boucle quant à l’aide qui pourrait être apportée aux communes, nous nous étonnons de ne pas voir mentionner l’importance des CCID (commission communale des impôts directs) et du rôle des géomètres et des personnels des SDIF dans la connaissance du terrain. La suspicion de minoration ou d’absence d’imposition aux impôts directs locaux n’est vu que comme un échange de données, notamment à travers la plateforme « Passerelle », oubliant l’expertise métier et la connaissance du tissu fiscal par les agentes et agents.

 9) L’accueil

La DGFiP promeut son offre multi canal. L’épisode GMBI a démontré les insuffisances en personnels pour répondre aux sollicitations téléphoniques et numériques des usagers. Solidaires Finances Publiques rappelle son attachement à garantir un accueil physique de proximité qui devrait s’ajouter aux accueils téléphoniques, mails et e-contacts. Par ses suppressions d’implantations et d’emplois, les conditions de travail se sont dégradées à mesure qu’il était de plus en plus difficile de pouvoir répondre à l’ensemble des sollicitations du public.

Une phrase a retenu notre attention "Dans ce contexte, une priorité doit être accordée au traitement des sollicitations des usagers, dans des délais et avec une qualité de réponse soignés." La DGFiP semble oublier que nombre de directions ont des stocks e-contact de plus en plus difficiles à traiter. Cela engendre des traitements de masse assurés par les auxiliaires pour clôturer les plus anciens mails. Par ailleurs, de nombreux messages sont envoyés, parfois pour simplement acter que le service n’a pu répondre dans un délai raisonnable.

 

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Solidaires Finances Publiques voit dans ces orientations la volonté toujours plus prégnante de la DGFiP de mettre le paquet sur le tout numérique au détriment de la proximité, de l’expertise et des conditions de travail des personnels. Nous dénonçons la dégradation organisée du plan, base des tous les travaux des SIP, SIE et collectivités territoriales ainsi que la base de la documentation que le service public doit délivrer aux usagers.