SOLIDAIRES FINANCES PUBLIQUES

De longue date, la stratégie menée en matière d’accueil a consisté à privilégier l’accueil à distance et/ou de matérialisé, celui-ci présentant pour les pouvoirs publics le double avantage théorique de pouvoir rendre un service à l’usager et de dégager des économies.

Le dernier rapport d’activité de la DGFiP résume la stratégie de l’accueil en ces termes : « Les modalités de contact des usagers avec les Finances publiques sont élargies par la mobilisation de l’ensemble des canaux de contact, quel qu’en soit le support (téléphonie, messagerie, guichets). La direction propose ainsi des échanges par courriels grâce à la messagerie sécurisée accessible sur impots.gouv.fr, des renseignements par téléphone sur des horaires étendus, ainsi qu’une offre de rendez-vous à distance. Durant la campagne des avis 2023, 80 % des directions ont mis en place des permanences tout public en dehors des services des Finances publiques (...) principalement tenues au sein du réseau des espaces France services et des maisons de services au public (MSAP) mais aussi très souvent dans les mairies..»Si l’accueil physique reste présent dans cette stratégie, ne serait-ce que dans certaines périodes de charge, il reste discret et essentiellement réservé aux publics fragiles. Le reste de la population, selon une formule demeurée célèbre, est invité à se « désintoxiquer du guichet ».
Or, contrairement aux prévisions des pouvoirs publics, ou à tout le moins à leurs objectifs, l’accueil physique reste très important à la DGFiP. Le rapport d’activité 2023 montre même qu’il effectue un véritable retour en force. En effet, le nombre d’usagers reçus aux guichets pendant la campagne déclarative est passé de 2,2 millions en 2022 et 2,5 millions en 2023 et celui d’usagers reçus pendant la campagne des avis est passé de 3,3 millions en 2022 et 3,7 millions en 2023. Le nombre d’appels des usagers reçus sur les plateformes est quant à lui passé de 10,5 millions en 2022 à 13,5 millions en 2023. Parallèlement, le nombre de courriels reçus dans les BALF diminue. Il passe de 4,4 millions en 2022 à 3,6 millions en 2023 pour les usagers et de 5,7 millions en 2022 à 5,2 millions en 2023 pour les entreprises.En réalité, cette évolution n’est guère surprenante.La législation fiscale reste complexe et mouvante et la situation économique est fragile et préoccupante. 

L’accueil assuré à l’extérieur des services (EFS, mairies) et dans les SIP notamment durant les pics de charge explique certes une large part de ce volume d’accueil physique. Mais il reste un autre point qui constitue un véritable défi pour les services publics et le système de protection sociale : la fracture numérique. Car celle-ci ne se résorbe pas. 

L’INSEE estime ainsi que 15,4 % de la population est en situation d’illectronisme, une des conséquences des fractures économiques et sociales. Pour cette population (principalementdes retraités, les non-diplômés, et les populations précaires), les outils numériques, censés simplifier les démarches, deviennent des obstacles supplémentaires au détriment de leurs droits. 

À titre d’exemple, faute d’argent notamment, le découragement devant les démarches administratives explique le taux de non-recours aux prestations sociales qui peut atteindre 40 %. La stratégie du numérique a été menée à marche forcée dans les services publicsa donc créé de nombreux exclu·es. Aux inégalités, déjà importantes, à l’origine de l’illectronisme s’ajoute donc une inégalité d’accès aux services publics. En 2018, le Défenseur des droits avait demandé que le gouvernement prévoit « une alternative papier ou humaine à la dématérialisation » et avait proposé d’inscrire dans la loi « une clause de protection des usagers vulnérables ». En 2019 puis en 2022, il insistait sur le nécessaire maintien d’accueils physiques dans les services publics et l’accompagnement des usagers en difficulté tout en préconisant de conserver plusieurs voies d’accès. La réponse du pouvoir a essentiellement consisté à créer des espaces France Services (2753 EFS fin 2024). Or, s’ils sont vus légitimement comme un progrès dans les communes qui avaient perdu leurs services publics, les EFS ne peuvent toutefois apporter aux usagers un renseignement précis. En d’autres termes, ils ne peuvent remplacer un accueil technicien.Le besoin de contact humain reste donc solidement ancré de manière générale. La DGFiP est particulièrement concernée. 

Ce besoin ne se vérifie d’ailleurs pas seulement en matière d’accueil fiscal, en témoigne l’enquête de l’Association des Maires de France qui déplore l’éloignement physique des services comptables et plébiscite les conseillers aux décideurs locaux. Reste, pour les pouvoirs publics, à en tirer les conséquences pour l’efficacité et la qualité du service public.