Lors de sa conférence de presse, Emmanuel Macron s’est employé à justifier ses choix et ses orientations. En matière de fiscalité, il a notamment confirmé qu’il ne reviendrait pas sur les mesures prises ces deux dernières années, pourtant largement à l’origine du mouvement actuel.

Estimant que la fiscalité réduisait les inégalités, il a cependant oublié de préciser que la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (c’est-à-dire l’imposition à taux proportionnel des revenus financiers et des plus-values sur cession de titres financiers) et la suppression de l’imposition des valeurs financières que permettait l’ancien impôt de solidarité sur la fortune bénéficiaient mécaniquement aux plus aisés et, par conséquent, favorisent la hausse des inégalités.

Une baisse de l’impôt sur le revenu pour tous les foyers fiscaux imposables...

Emmanuel Macron a annoncé une baisse de l’impôt sur le revenu (IR). Estimée à 5 milliards d’euros, elle représenterait 7 % du produit de l’IR. A moins d’instaurer une mesure uniquement de type "décote" ciblée sur certains foyers (qui ne passerait pas par le barème mais pas une mesure spécifique qui ajouterait à la complexité de l’IR), elle prendrait la forme d’un aménagement du bas du barème de l’IR avec une ou deux nouvelle(s) tranche(s) pour « adoucir » l’imposition des foyers faiblement imposables. Si tel était le cas, cette mesure bénéficiera à l’ensemble des contribuables imposables, dont les plus aisés, soit moins de 47 % des foyers fiscaux. La majorité de la population n’en bénéficiera pas.

Cette baisse serait financée soit par une remise en cause de certaines « niches fiscales » des entreprises (une piste que le Medef, l’organisation syndicale la plus écoutée dans la période, a déjà contestée), soit par un allongement de la durée du travail, soit encore par une baisse de la dépense publique, ces deux dernières ayant manifestement la préférence d’Emmanuel Macron.

Évasion fiscale : la Cour des comptes mandatée…

Emmanuel Macron a mandaté la Cour des comptes pour évaluer les montants perdus du fait de l’évitement de l’impôt (optimisation fiscale, évasion et fraude fiscales) et faire des propositions pour mieux le combattre.

Le syndicat Solidaires Finances Publiques, à l’origine de l’estimation de l’évitement illégal de l’impôt, note avec intérêt que cette question centrale a été abordée publiquement par le président de la République. Il fait cependant remarquer que les orientations du gouvernement en matière de contrôle fiscal vont à l’inverse des enjeux : avec les suppressions d’emplois et les restructurations, le nombre de contrôles fiscaux baisse (voir notre rapport de septembre 2018), tandis que la loi « Essoc » confirme que la priorité est à l’accompagnement plutôt que le contrôle. Or, de nombreuses propositions sont déjà disponibles pour nourrir le débat : il serait inconcevable de ne pas tenir compte des demandes exprimées par les services engagés dans la lutte contre la fraude fiscale. Formulées par les « agent.es opérationnel.les », elles touchent l’ensemble des moyens à mobiliser, consolider et renforcer (voir notre rapport sur l’impunité fiscale). Notre organisation y reviendra très rapidement…

Un « Service public low cost » confirmé

S’il a confirmé la « réforme » de la fonction publique (qui se traduira par davantage de précarité avec le recrutement de contractuels par exemple), il sera très difficile pour Emmanuel Macron de reconquérir les « territoires » en réduisant la dépense publique. En réalité, il s’apprête à transférer certains emplois et services et, par ailleurs, à promouvoir les maisons de service au public (un « plus » là où le service public est historiquement absent mais un « moins » lorsqu’elles remplacent des services publics préexistants). Ce faisant, il organise un service public « low cost » qui ne compensera pas la perte de services publics.

Rien, dans les annonces, n’a de quoi rassurer les agent.es des finances publiques. Outre que la direction générale des finances publiques, déjà bien affaiblie, est de facto particulièrement visée par les orientations, maintenues obstinément envers et contre tout, l’exercice d’hier n’aura eu finalement qu’un objectif : tenir la ligne. Le syndicat Solidaires Finances Publiques « croit très profondément » que c’est une très mauvaise nouvelle pour la justice fiscale, sociale et environnementale.