C’est sans aucun doute l’annonce qui restera du discours de politique générale du premier ministre : la suspension de la réforme des retraites à 64 ans. Au-delà des « magouilles politiciennes » qui ne sont pas nos sujets et même si nous sommes loin de l’abrogation, cette annonce de suspension est un recul important de la part de ceux qui, il y a encore quelques jours, avaient rejeté cette demande. Les modalités n’en sont toutefois pas encore connues : amendement au PLFSS ? Nouvelle loi ? Ce recul, n’en doutons pas, a été permis grâce aux mobilisations et grèves de 2023, mais aussi à celles de cette rentrée. Concrètement, la réforme de la retraite à 64 ans ne serait pas appliquée avant 2028, sauf si d’ici là nos mobilisations permettent une nouvelle loi pour l’abroger !
Mais ce recul, tout important qu’il soit, ne doit pas masquer le contenu des projets de lois budgétaires qui une fois encore augmenteront les inégalités, les injustices et la pauvreté !
30 milliards d’économies sur le dos des salariés, retraités et malades !
Le projet de loi du budget de l’État prévoit 3119 suppressions d’emplois de fonctionnaires. La DGFiP une nouvelle fois n’est pas épargnée, car elle subira 550 nouvelles suppressions d’emplois en 2026.
La proposition Bayrou d’année blanche est maintenue par le nouveau 1er ministre, ce qui se traduirait par une perte du pouvoir d’achat du plus grand nombre. Concrètement, les salaires des fonctionnaires, les retraites et les prestations sociales seraient gelés. Cela entraînerait également un gel du barème de l’impôt sur le revenu, ce qui conduirait certains contribuables jusqu’alors exonérés de l’impôt à être imposables. Par ailleurs, les salaires des étudiants seraient désormais imposables, tout comme les indemnités journalières pour congés de longue durée et les réductions d’impôts pour « frais de scolarité » qui seraient supprimés.
Le remplacement de l’abattement de 10 % des revenus des retraités pour le calcul de l’impôt sur le revenu par un forfait de 2 000 euros pourrait épargner les retraités les plus modestes. Mais ces derniers ne gagneraient, au mieux, que quelques euros de plus que dans le système actuel. En revanche, cette réforme entraînerait une hausse de la fiscalité pour la majorité des retraités. Selon l’Institut des politiques publiques, 1,4 million de foyers seraient finalement perdants. Il est prévu également de supprimer dans son intégralité l’avantage fiscal accordé aux contribuables de plus de 65 ans sans invalidité. Ajouté à la suppression de l’abattement de 10 %, cela aggraverait l’augmentation d’impôt pour une grande partie des retraités.
Le premier ministre a réaffirmé sa volonté de revoir les niches fiscales et a annoncé la suppression de 23 d’entre elles dont la fin des réductions d’impôts pour frais de scolarité ou l’abattement de 10 % des retraités... mais rien sur celles qui coûtent un « pognon de dingue » à l’État, données sans contrôle, et qui profitent aux plus fortunés et aux grandes entreprises, comme par exemple le crédit d’impôt recherche qui, à lui seul, coûte 8 milliards d’euros chaque année.
Enfin, un projet de loi de lutte contre la fraude sociale et fiscale a été déposé à l’Assemblée nationale. Or comment cette énième loi de lutte contre la fraude fiscale pourrait-elle être efficace sans l’abrogation de la loi ESSOC, qui a modifié profondément le sens du contrôle fiscal et cela sans donner de moyens supplémentaires à la DGFiP ? Il est démontré depuis des années que la lutte contre la fraude fiscale a besoin avant tout d’intelligence humaine et pas artificielle.
Sans aucun doute possible, c’est le financement de la Sécurité sociale qui est dans le viseur de l’austérité et, par ricochet, les malades. Sur ce sujet, le budget proposé par Sébastien Lecornu est la copie exacte de celui de François Bayrou. Nouveaux déremboursements de médicaments, augmentation des franchises, arrêts maladie raccourcis, durée d’indemnisation plus courte pour les arrêts maladie en dehors des affections longue durée, fin de la visite médicale de reprise après un congé maternité... Tout cela sous prétexte de déficit du budget de la Sécurité sociale alors que cette situation est due au manque de recettes : explosion des exonérations de cotisations sociales patronales qui s’élèvent à 91,4 milliards d’euros en 2024, non-augmentation des salaires, chômage…
Les plus fortunés et les grandes entreprises toujours épargnés !
À écouter Sébastien Lecornu, le projet de loi de Finance 2026 serait celui de la justice fiscale. Comme ses prédécesseurs, il affirme que tout le monde serait mis à contribution pour le redressement des finances publiques.
Pour cela, le 1er ministre met en avant la création d’une nouvelle taxe de 2 % sur le patrimoine des holdings qui répondrait selon lui à la revendication sociale de « taxer les plus riches ». Mais il s’agit d’un leurre. Par ailleurs, il dit s’inspirer de la taxe sur les holdings des États-Unis, sauf que, dans les faits, la taxe qui est proposée ne frappe pas l’ensemble des revenus des holdings, et de très nombreuses exonérations l’accompagnent, la vidant ainsi de tout intérêt fiscal. L’acceptation de cette taxe, par le Medef et les millionnaires, prouve qu’elle ne répond pas à la revendication de justice fiscale.
Même si le gouvernement maintient la contribution différentielle sur les hauts revenus d’un côté, il continue d’octroyer des cadeaux fiscaux aux plus grandes entreprises de l’autre. C’est le cas, par exemple, en baissant de moitié la contribution exceptionnelle sur les profits des grandes entreprises ou encore avec la baisse annoncée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pour aller vers sa suppression totale. Cette baisse et sa suppression annoncées vont affaiblir encore plus les recettes des collectivités locales et cela va se traduire par moins d’argent pour les services publics. Et contrairement à ce que dit Sébastien Lecornu, cette mesure va, avant tout, profiter aux grandes entreprises qui supportent aujourd’hui la plus grosse part de cet impôt de production. Une fois encore, la baisse des recettes des collectivités locales sera compensée par les consommateurs et consommatrices, puisque désormais une partie des recettes de la TVA est reversée par l’État aux collectives locales pour compenser la baisse des impôts de production depuis 2021 et la suppression de la taxe d’habitation !
Enfin, dans son discours de politique générale, le premier ministre n’a pas dit un mot sur les aides publiques données sans aucun contrôle ni aucune contrepartie et dont bénéficient, en particulier, les plus grandes entreprises, alors qu’elles versent des milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires, qu’elles délocalisent et suppriment des emplois !