La baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) à 25 % d’ici 2022 (- 11 milliards d’euros), la suppression de la dernière tranche de la taxe sur les salaires et la suppression de la contribution sur la distribution de dividendes (- 2 milliards d’euros) sont justifiées au nom de l’attractivité et de la concurrence fiscale. Le taux nominal français de l’IS est certes plus élevé qu’ailleurs, mais il s’applique sur une assiette plus étroite. Une véritable réforme eut consisté à élargir l’assiette de l’IS.
Le gouvernement ne l’a pas voulu : ce sera donc une baisse « sèche ». Dans un environnement prédateur qui ne se soucie guère de l’investissement mais surtout de la valeur actionnariale, la réduction de l’IS fera croître la distribution de dividendes et ce sans effet notable sur l’emploi et l’investissement, mais avec une hausse des inégalités à la clé (en 2016, 45,8 milliards d’euros ont déjà été distribués sous la forme de dividendes, soit 57 % des bénéfices des entreprises).
La transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) exonérera les actifs financiers et profitera aux redevables les plus aisés car le taux de détention des actifs
financiers augmente avec le revenu et la valeur du patrimoine. Le patrimoine mobilier (notamment financier) représentait 40 % du patrimoine global des ménages en 2012 mais 60 % pour les 5 % les plus aisés et plus de 80 % du patrimoine des 30 000 ménages les plus riches.
Ces derniers seront les grands gagnants de cette mesure qui coûtera plus de 2 milliards d’euros et alimentera la rente financière sans taxer la rente foncière. Déjà les conseils imaginent des montages pour éviter l’IFI par la création de sociétés immobilières dont les propriétaires seront les détenteurs des titres.
Les plus aisés seront aussi servis par l’instauration d’une « flat-tax » [un prélèvement forfaitaire unique] au taux de 30 % sur les revenus financiers qui coûtera près de 2 milliards d’euros d’ici 2019. Parmi les 10 % des ménages les plus aisés, 70 % verront leur imposition des revenus mobiliers baisser. Cette part atteindra 90 % pour le 1 % les plus riches, parfois plus : les revenus du patrimoine représentent jusqu’à 53,3 % du revenu des 0,1 % des ménages les plus aisés.
Le dernier décile verra son pouvoir d’achat progresser de 3,1 %, soit une hausse du niveau de vie de 4 225 euros en moyenne par an selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Mais le bénéfice de la mesure sera quasiment nul pour les 50 % les moins aisés des ménages.
Les ménages les plus aisés bénéficieront massivement de ces mesures anti-redistributives. Au sein du 1 % des ménages les plus aisés, nombreux sont ceux qui profiteront à la fois de la baisse de l’impôt sur le revenu avec la flat-tax et ne seront plus (ou peu) imposés sur le stock de patrimoine. Ils verront également leursdividendes augmenter grâce à la baisse du taux de l’IS. En favorisant l’accumulation de richesses, cet effet boule de neige alimentera les inégalités.
Pour tenter de donner des gages aux classes moyennes, la loi de finance commencera à appliquer la baisse de la taxe d’habitation ; mesure qui est un leurre puisque de nombreux ménages, les plus modestes, sont déjà exonérés ; et le manque à gagner des communes, estimé à 10 milliards d’euros d’ici 2020, soit près d’un tiers de leurs ressources, amènera ces dernières à réduire encore leurs dépenses, qui vont avant tout à des services publics de base (écoles, crèches, services culturels...).
Le deuxième tour de passe-passe de la loi de finance est la hausse de prélèvements comme les taxes sur le diesel (+ 3,7 milliards d’euros) et celle la CSG de 1,7 point qui financera la baisse des cotisations sociales des particuliers et des entreprises. Mesure profondément injuste pour de nombreux retraités qui subiront la hausse de la CSG sans bénéficier de la baisse des cotisations sociales. Sans oublier les fonctionnaires pour qui cette mesure n’est toujours pas pleinement compensée...
Les cadeaux fiscaux aux plus riches seront financés par des coupes budgétaires sévères, qui traduisent une obsession de la baisse de la dépense publique (environ 16 milliards d’euros en 2018). Les crédits publics subiront un coup de rabot général qui frappera aveuglément les plus fragiles, comme l’illustre la baisse de l’aide personnalisée au logement (de 1,7 milliard d’euros) et la suppression de nombreux contrats aidés.
Mais cette injustice va au-delà de nos frontières, puisque sera également réduite l’aide publique au développement, qui devait être financée par une extension de la taxe sur les transactions financières,
abandonnée. M. Macron avait pourtant promis au soir de son élection « une France attentive au respect des engagements en matière de développement ».
Rarement, voire jamais, un gouvernement n’avait exprimé un choix aussi clair entre « capital » et « travail ».
La finance et les actionnaires peuvent se réjouir. Mais les salariés et les retraités, les PME, les « vrais entrepreneurs », bref, l’immense majorité de la population peut, quant à elle, légitimement s’inquiéter.
Si la toile de fond de la rigueur budgétaire, de la baisse de la dépense publique et de la volonté farouche de baisser le coût du travail est confirmée, deux grandes tendances et une interrogation marquent le projet de loi de finances pour l’année 2018, le premier du quinquennat :
Le projet de loi de finances est connu : outre son volet « recettes » qui donne lieu à de nombreuses (et légitimes) critiques1, il comporte un volet dépenses qui prévoit notamment 1 600 suppressions d’emplois à la Direction générale des finances publiques (DGFiP). Ces suppressions d’emplois viennent s’ajouter aux 35 000 suppressions d’emplois enregistrées depuis 2002, qui représentent déjà plus du quart des effectifs de la DGFiP.
Le projet de loi de finances pour l’année 2018 est connu. Plusieurs mesures visent à favoriser « la finance » comme rarement, voire jamais, la France ne l’a fait auparavant.